Mercredi dernier, au premier étage de l’Hôtel d’Évreux, des silhouettes masculines graciles se faisaient porteuses de lourds messages. Aux côtés d’un Stromae très enthousiaste (“C’est ma première Fashion Week !”), venu soutenir son compatriote, le public du défilé Walter Van Beirendonck découvre une des collections les plus émotionnellement chargées du créateur belge. Alors que le plastique des […]
Mercredi dernier, au premier étage de l’Hôtel d’Évreux, des silhouettes masculines graciles se faisaient porteuses de lourds messages. Aux côtés d’un Stromae très enthousiaste (« C’est ma première Fashion Week ! »), venu soutenir son compatriote, le public du défilé Walter Van Beirendonck découvre une des collections les plus émotionnellement chargées du créateur belge. Alors que le plastique des premières silhouettes accroche les dorures du salon Napoléon, le show automne-hiver 2015/2016 se dévoile sous des yeux ébahis : les manteaux se parent de tissu ikat, de patchworks ou d’esquisses fantasques, les manches s’agrémentent de tulle ou de fourrure et, au détour d’un passage, un butt plug en plastique se balance autour du cou d’un mannequin. Ce choc visuel porte un nom : « Explicit Beauty ». Le créateur nous en explique la genèse.
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Vos défilés sont connus pour leur atmosphère très particulière. Quelles émotions cherchiez-vous à susciter avec cette collection ?
La beauté – c’est l’émotion majeure que je voulais mettre dans le show. Au début, quand j’ai commencé à dessiner ma collection, je me suis dit que cette fois-ci, je n’allais pas trop y mettre de messages [politiques]. Il y en avait beaucoup dans mes dernières collections, dont celle de l’été dernier, Wham Bam !, qui dénonçait la guerre. Et je me suis dit : « Pas cette fois ! ». Mais ensuite est arrivé l’incident avec Paul McCarthy à Paris, et je me suis senti obligé de réagir parce qu’il fait partie de mes artistes préférés. Je l’ai rencontré l’année dernière à Lausanne, c’est une personne incroyable à mes yeux. Il était vraiment terrorisé à l’idée que quelqu’un puisse dire : « Je n’aime pas cette œuvre et elle ne peut pas être exposée ici car c’est indécent » – on ne peut pas être comme ça ! Les gens ne peuvent pas être aussi limités dans leur façon de penser ! Donc j’ai pris le « butt plug » littéralement comme point de départ de ma collection, comme un accessoire mais aussi un motif de broderies. C’était à la fois un hommage à Paul McCarthy et une façon de lui dire : « Vas-y, fonce ! Personne ne peut t’arrêter ! » En tant que créateurs, nous avons une voix, et nous devons avoir recours à cette voix pour dire au monde tout ce que l’on pense.
Pour vous, la création naît-elle de la subversion ?
Je pense qu’on doit avoir la possibilité d’utiliser sa voix pour créer ce que l’on veut. C’est ça, la liberté. On doit être libre dans la création. Cela rejoint un autre événement qui a eu lieu à Paris il y a deux semaines, cet incident vraiment… [Il perd ses mots.]
Vos références étaient donc avant tout politiques ?
Oui, mais tout est arrivé complètement spontanément. J’ai essayé de garder la beauté comme idée principale, ce qui explique l’inscription, sur le devant des premières silhouettes : « Warning: Explicit Beauty ». On s’attend souvent des « Warning : ISIS décapite des gens » ou « Warning : beaucoup de sang et de morts »… On est malheureusement habitué à ça, mais on n’est plus habitué à voir la beauté. Donc j’ai vraiment essayé de me centrer là-dessus, ce qui explique mon choix de ce lieu incroyable, pour présenter la collection dans cet environnement très 19e siècle. Tout cela fait partie de l’histoire que je veux raconter.
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