Dans le cadre du Red Bull BC One World Final, la plus importante compétition de danse Hip Hop au monde, le 29 novembre, à la Grand Halle de la Villette, la galerie 12mail a invité Sophie Bramly -photographe française et témoin privilégié de l’émergence du Hip Hop à New York au début des années 80- à replonger […]
Dans le cadre du Red Bull BC One World Final, la plus importante compétition de danse Hip Hop au monde, le 29 novembre, à la Grand Halle de la Villette, la galerie 12mail a invité Sophie Bramly -photographe française et témoin privilégié de l’émergence du Hip Hop à New York au début des années 80- à replonger dans ses précieuses archives.
Votre dernière expo « 1981 & + » à Paris en 2011 était en noir & blanc. Celle de cette année « Walk this way » est en couleur. Pourquoi ?
C’est lié à l’espace ! La galerie RedBull est intime, donc j’ai choisi de raconter une histoire qui soit lisible et cohérente avec le lieu. Cette fois-ci, non seulement c’est à la Villette qui est immense, mais en plus il y a la finale mondiale de danse, c’est-à-dire beaucoup de vie et d’énergie. Je trouve donc préférable de montrer que c’est justement la couleur qui a permis à cette scène d’émerger.
Les pionniers ont eu envie de sortir de leur condition en recouvrant toutes les traces d’un décor hostile et de conditions de vie difficiles en déployant partout de la couleur : les murs de leurs quartiers, les trains, les vêtements … Cette sorte de méthode Coué du mieux vivre m’a paru particulièrement pertinente à un moment donné où on ne parle que de la morosité qui régnerait actuellement en France. On peut aussi choisir de se secouer, et pas seulement en dansant …
Selon vous, le hip-hop (dans toutes ses expressions : danse, musique, codes vestimentaires…) est-il toujours aussi politique et subversif qu’à ses débuts, dans les années 1980 ? Est-ce qu’il se pacifie ?
C’est peut-être un peu plus complexe et ça dépend de là où on se situe. Maintenant que le hip-hop est une grosse entreprise commerciale, il est certainement moins politique, mais il cherche à rester subversif. C’est dans son ADN et c’est probablement aussi ce qui fait que 30 ans plus tard il y a encore tellement à dire ou à faire qu’aucun mouvement majeur n’a émergé depuis (à part la techno qui me semble être la version « blanche » de la même chose). Mais la subversion est plus délicate à générer qu’avant. On a tant joué avec qu’il faut sans cesse inventer de nouveaux interdits pour pouvoir renverser un peu d’autres idées reçues. Mais d’une certaine façon le hip-hop se pacifie aussi, dans le sens où le reste du monde est maintenant convaincu de la pertinence de cette culture.
Quels conseils donneriez-vous à la nouvelle génération hip-hop ?
Chercher à tout prix la différence, ne ressembler à personne, mélanger des idées, les entrechoquer pour donner naissance à de nouvelles choses. Il faut inventer tout le temps, être révolutionnaire sans cesse, pour ne pas être comme un limon dans une coulée de boue ! Il se passe tellement de choses fantastiquement nouvelles en économie et en science, il y a un tel magma d’initiatives et de découvertes brillantes, cela va forcément aller avec un grand renouveau culturel.
On ne rentre pas inopinément dans la troisième révolution industrielle de notre histoire en écoutant le rap de ses parents ou en portant leurs baskets ! Il faut gratter, chercher, s’énerver, se tromper, recommencer jusqu’à ce que la différence naisse, soit d’abord perçue par les autres comme insupportable, jusqu’au moment où ils s’en emparent ….
(« Walk this way », du 26 au 29 novembre 2014, Grande Halle de la Villette, Pavillon Paul Delouvrier, 211 Avenue Jean Jaurès, Paris)