Arnaud Le Lan vient d’être récompensé par le « ballon d’eau fraîche », décerné par le site des Cahiers du Foot. Portrait d’un joueur qui incarne à merveille un nouveau hashtag, de plus en plus populaire sur twitter : #LeFootballVrai
Entre argent-roi et amateurisme sans le sou, le football n’est pas un mais plusieurs. C’est justement ce qui fait son charme. Prenez Leo Messi, l’enfant chéri du FC Barcelone. Recruté dès son plus jeune âge, couvé par les faiseurs de miracles de la Masia (centre de formation du club barcelonais), le petit attaquant argentin flambe aujourd’hui sur toutes les pelouses d’Europe et vient juste de remporter son quatrième Ballon d’Or, un record. En face, éternel second d’un classement qui se refuse à son talent remarquable, Cristiano Ronaldo fait grise mine. Abdos saillants et cheveux soigneusement gominés, l’ailier portugais est un anti Messi aux penchants bling-bling assumés. S’il fallait dégager trois tendances majeures de la vie et de l’œuvre de la star du Real Madrid, ce serait bien celles-ci : une bonne dose d’individualisme, quelques mannequins cannonissimes à son tableau de chasse et cette fâcheuse tendance à agacer ses adversaires par moult dribbles et plongeons lui valant la détestation d’une partie des amateurs de foot.
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Ballon d’Or vs Ballon d’Eau Fraiche
A coté des phénomènes planétaires que sont devenus Messi et Ronaldo, on trouve, sensiblement plus discret, le football français, une autre terre de contrastes. Alors que Christian Jean-Pierre nous narre tous les dimanches sur Téléfoot, les trajectoires de footballeurs en rupture totale avec #LeFootballVrai, un groupe d’irréductibles gaulois défend avec acharnement les valeurs d’un football alternatif. Regroupés sous la bannière Cahiers du Football (comme les Cahiers du Cinéma, mais pour le ballon rond) ces énergumènes remettent chaque année, au moment du Ballon d’Or, leur petit prix maison à la cote grandissante : Le Ballon d’Eau fraîche. Qu’est-ce au juste ? Jérôme Latta, rédacteur en chef du site en question, nous répond :
« Il s’agit d’une récompense décernée chaque année à un de ces joueurs nous faisant encore aimer le football, au moins parce que nous arrivons encore à nous reconnaître en eux. Des footballeurs porteurs d’un peu de légèreté, de fidélité et de bonne mentalité, des sportifs qui font du bien à un sport en mal de personnalités positives et à un pays fâché avec ses footballeurs. »
Les critères d’élections sont simples : « La fidélité à son club, la lucidité sur son niveau et son environnement, le sens du collectif et le fair-play. » A l’époque où la normalité fait (et défait) les Présidents, le concept trouve évidemment son public. Jérôme Latta assure lui s’être mis au bon vent de la normalitude footballistique bien avant l’engouement pour François Hollande :
« Le Ballon d’Eau Fraîche fait bien évidemment écho à la disgrâce du football français. Il a été crée en 2010, annus horribilis du football français s’il en est. Mais le prix constitue également une réponse au Ballon de Plomb, une autre de nos récompenses décernées, cette fois-ci, au joueur de Ligue 1 rassemblant le plus d’opinions négatives sur son nom. Le Ballon de Plomb traverse aujourd’hui une crise existentielle. Ce n’est pas le truc le plus intelligent que nous ayons lancé et il se trouve qu’il rencontre un succès médiatique stigmatisant qui nous échappe. Pour revenir à nos valeurs, il fallait autre chose. Nous avons donc lancé le Ballon d’Eau Fraiche, un trophée résolument positif récompensant des footballeurs que l’on aime explicitement. »
Arnaud Le Lan, incarnation du #FootballVrai
C’est Arnaud Le Lan, défenseur du FC Lorient ayant effectué toute sa carrière en Bretagne (11 années à Lorient, 3 au Stade Rennais et 3 à l’En Avant Guingamp) qui a, cette année, raflé la mise.
Né à Pontivy en 1978, son parcours ressemble à celui d’un passionné de football ayant saisi sa chance au bon moment. A l’âge de dix-sept ans, Le Lan est en effet convié, par son entraineur Christian Gourcuff, à un stage avec le groupe professionnel lorientais. A force de travail et d’envie, Le Lan obtient une chance d’intégrer l’équipe première. Les pieds sur terre, il ne se juge pourtant pas « footballeur hors du commun » et décide, par sécurité, de miser sur ses études. Le coach breton accepte alors le choix de Le Lan de décrocher un DEUG en STAPS avant d’entamer sa carrière. Par la suite, Le Lan deviendra un titulaire indiscutable lors de la remontée dans l’élite en 2001 puis lors de la victoire en Coupe de France en 2002.
Les années passent, les coachs changent. En fin de contrat, Arnaud Le Lan signe un contrat au Stade Rennais, géant régional où il retrouve son mentor. Mais rien ne se passe comme prévu : Gourcuff est remplacé par Bergeroo, un entraîneur qui ne compte pas sur lui pour composer son 11 de départ. Une anecdote savoureuse circule alors sur le joueur et son attrait pour la vie normale. Lors de son premier jour à Rennes, alors qu’il souhaite rejoindre ses coéquipiers à l’entraînement, Le Lan se voit barrer la route par le gardien du centre d’entrainement qui refuse de voir en ce petit gabarit d’1m71 roulant dans une Citroën AX un joueur pro ! Interrogé par Les Inrockuptibles, Mathieu Le Maux, responsable des pages Sports à GQ voit en Le Lan « l’incarnation du foot Vieilles Charrues. Il est le dernier représentant d’une espèce en voie d’extinction qui joue au foot en pensant « jeu, sueur et maillot » avant l’oseille. Son « no style » lui en donne justement un, celui du football « de base ». Je suis convaincu qu’il jouera en Promotion d’Honneur (basse ligue) dans 10 ans et qu’il s’éclatera toujours autant« .
Après Rennes, le joueur poursuit son périple breton et signe trois années à l’En Avant Guingamp avant de revenir au bercail. Fait rare dans le football actuel, il honore chacun de ses contrats et marque tous ses clubs par une attitude irréprochable sur et en dehors du terrain. Sobre et efficace, Le Lan l’est aussi dans ses goûts musicaux. Lorsque le magazine So Foot le questionne sur ses genres préférés, le rural du Morbihan confie volontiers se sentir loin, très loin de la culture hip-hop et du rap américain, « deux styles de musique qui, au fond, collent pas mal au côté bling-bling du football d’aujourd’hui. Moi je n’ai été élevé là-dedans. » Du coup, pour se fournir en variet’ française et en bon son des années 80, Le Lan n’a pas le choix, il « traîne dans les bureaux et chez les dirigeants« . Un mec normal, quoi.
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