Ou comment les nouveaux épisodes de la série de David Lynch font fleurir l’imaginaire des créateurs.
Ceci est une paire d’escarpins rouge feu dont les côtés ont été décorés des mots “Fire Walk”, au pied droit, et “With Me”, au pied gauche.
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Bien sûr, cette phrase aux sonorités païennes n’est autre que le sous-titre du film culte de David Lynch, Twin Peaks (1992), le couronnement de sa série phare dont la troisième saison, vingt-cinq ans après, est en cours de diffusion sur Canal+ Séries. Dessinés par Amélie Pichard, ces souliers font partie d’une collection capsule dédiée à cet événement.
Héroïnes
La jeune créatrice française d’accessoires, sorte d’Elsa Schiaparelli pop, est connue pour ses créations aux clins d’œil vintage et surréalistes. Pour elle, cet hommage à Twin Peaks coule de source, tant il fait déjà partie de l’ADN de sa marque.
Dès ses premières collections, elle nomme des pièces d’après les héroïnes de la série : Laura, Donna, Audrey. Leurs allures citent à la fois des personnages de films noirs et de teen movies.
Emballages de donuts
Amélie Pichard travaille aussi une imagerie de feu – élément naturel clé dans la narration de la série – qu’elle transforme en flammes graphiques façon carrosserie “tunée”. Elle imagine des semelles inspirées de bûches, en clin d’œil au personnage de “la femme à la bûche”.
Par ailleurs, certaines de ses boîtes à chaussures ressemblent à de faux emballages de donuts, ces beignets obsessionnellement consommés par le héros de la série, l’agent Cooper.
Remix déroutant
Elle n’est pas la seule à trouver matière à création dans Twin Peaks : Kenzo n’hésite pas à s’inspirer de la décoration d’intérieur de la série pour ses mailles ; Manish Arora des éléments végétaux qu’il retranscrit en accessoires ; MSGM cite autant la bande-son que les silhouettes assez fifties ; Raf Simons salue la personne de Lynch lui-même.
“Ces filles aux airs lisses mais complètement frappadingues, la musique envoûtante, les décors américains beaux et sombres, les décalages subtils à l’écran” : c’est ce remix déroutant et sans genre fixe de la série qui plaît à Amélie Pichard.
“Inquiétante étrangeté”
Théâtre de l’absurde, esthétique tirant sur l’expressionnisme, sous-texte ésotérique, irruption du fantastique et humour noir : ces codes disparates sont enchevêtrés, remixés, chahutés, comme pour révéler leur “inquiétante étrangeté”, aurait dit Freud, ou une rupture avec la norme et la rationalité.
Et sûrement refléter l’éloignement symbolique de la styliste de ladite norme de la mode : cette saison, elle se retire du système des fashion weeks et propose des petites séries capsules indépendantes de tout calendrier ou de toute attente – comme des épisodes où la créatrice devient en plus la narratrice de sa propre histoire.
Elle pourra ainsi continuer à livrer des contes stylisés où le hors-norme est monnaie courante. Laura Palmer sera sa première cliente.
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