Oubliez les pull-overs de grand-mères : cette laine-là est une carapace et un doudou.
Le monsieur ci-contre ne porte ni un voile, ni un masque de Tortue Ninja, et pourtant l’ambiguïté autour d’un visage couvert en dit long sur l’époque actuelle. Autre fait troublant : derrière ses airs de loubard, cet homme mystérieux aime profondément l’artisanat. La preuve, il s’est intégralement habillé de laine tricotée, sophistiquée et luxueuse : mérinos souple, maille bouillie et pantalon de feutre texturé lui permettent de rouler des mécaniques tout en restant en pyjama. Ou presque.
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Il a compris que l’équilibre de chaque tenue se jouait entre coquille protectrice et confort imperceptible. Ainsi, il renoue avec la promesse ancienne du luxe, celle d’améliorer le quotidien de son porteur de façon invisible. Une proposition qui vaut aux créateurs Dao-Yi Chow et Maxwell Osborne, fondateurs du label new-yorkais Public School, de remporter le prix Woolmark 2015.
Un savoir-faire associé à la sphère domestique
Ce producteur de laine demande chaque année à des créateurs avant-gardistes de se prêter à l’exercice peu évident du tricot. Résultat intéressant quand il ne correspond, a priori, pas à l’univers de la marque. “On a là une proposition streetwear avec des lignes familières à tous, mais une finition à première vue inattendue… et pourtant pensée pour être portée”, dit Simon Chilvers, directeur de la mode masculine de la boutique de luxe en ligne matchesfashion.com, qui vend la collection en exclusivité.
Ainsi, Public School rappelle le potentiel marginal et sans cesse modernisé de la laine tricotée, alors que ce savoir-faire est historiquement associé à la sphère domestique (car longtemps confectionné à la main par des femmes au foyer), et miroir local et saisonnier (comme les tapis, il se voit orné d’arbres et d’animaux de la région ou de flocons).
Un corps protégé, réconforté, aux pouvoirs invisibles
Pourtant, en parallèle, son détournement articule les premières libérations du corps féminin : Coco Chanel tricote des mailles souples inspirées de l’uniforme de polo de son amant Boy Capel, Elsa Schiaparelli imagine des sweat-shirts en trompe l’œil influencés par le sportswear d’époque. Plus tard, c’est Vivienne Westwood, Comme des Garçons ou Marc Jacobs qui ajoutent des trous grunge dans leurs tricots, juxtaposant références ménagères et critique sociale.
Aujourd’hui, la laine tricotée de Public School emprunte moins à sa mythologie classique qu’à son histoire sportive et technique : il imagine un corps protégé, réconforté, aux pouvoirs invisibles. L’homme (et la femme) de demain sera toujours fort, toujours au chaud, et ça ne se verra pas forcément.
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