A mi-chemin entre Rammstein et YouPorn, cette lolita crade nous confronte à nos limites.
La madame ci-dessus est une vraie fille, la preuve : elle porte une robe à motifs papillon – aussi fragile qu’elle –, son string dépasse (elle est un peu coquine), et elle lèche une glace phallique avec virtuosité. Pourtant, madame dégouline : son rouge fuit ses lèvres, sa perruque tombe, ses ongles sont mal taillés. Notre Vénus des backrooms se présente sous le nom de Christeene, drag-queen punk qui encrasse les codes des genres et du show-biz grâce à des clips type Bustin’ Brown (“j’expulse du caca”), où elle rampe dans un anus géant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Cette Alice aux pays des dépravés prend vie sur scène. En juillet, lors du festival Loud & Proud à la Gaîté Lyrique, elle ouvre sa performance en arrachant un butt plug de son entre-fesses et jette l’objet attaché à un ballon de baudruche dans la foule de Parisiens, qui n’arrive plus à paraître désabusée.
Perturber de façon primale
Entre deux mouvements de bounce endiablé (Rick Owens, présent lors de son concert, la décrit d’ailleurs comme “sa Beyoncé”), elle sort son kiki et fait l’hélico. La foule est partagée entre émoi et terreur. A l’heure où la culture YouPorn a fait des plus intimes des pratiques sexuelles un sujet de conversation sur Twitter (un seul exemple : le hashtag #fistingday, buzz récent du réseau), Christeene a atteint un graal improbable : elle sait encore choquer. Elle a trouvé un moyen radical de communiquer et de secouer : perturber de façon primale.
Avec son air tombé droit d’une poubelle, elle évoque ce que Julia Kristeva décrit comme “l’abject” – ou le pouvoir profond, intrinsèque du dégoût comme repoussoir du désir au cœur de la psyché, aussi absolu qu’ambigu. “Ce n’est pas la saleté à proprement parler qui crée cet état (de dégoût), mais le fait que cela perturbe l’ordre établi, les règles, les frontières”, écrit-elle.
Ecouter l’autre qui sommeille en nous
Ainsi Christeene, en s’apparentant à une bête sauvage et inclassifiable, nous ramène à notre propre état animal que l’on apprend à dompter dès le plus jeune âge. Et nous rappelle que l’exclusion de l’autre commence par une exclusion de soi-même. Que l’on est autant constitué de ce que l’on fantasme que de ce l’on étouffe.
“En jouant la drag-queen sale et gênante, Christeene se bat pour une acceptation de soi et de l’autre. Elle proteste contre la pression hétéronormée présente même dans les sphères gay, contre un embourgeoisement excluant et oppressant”, analysent Anne Pauly et Fany Coral, deux des co-organisatrices du Loud & Proud. Ainsi, Christeene nous apprend à écouter l’autre qui sommeille en nous, différent, déconcertant, réprimé…et qui ne demande qu’à sortir twerker.
{"type":"Banniere-Basse"}