Ce nouveau site américain a été lancé le 4 novembre. Si ses fondateurs sur-jouent leur travail de recherche sur le « deep Web », Vocativ apporte tout de même des informations de qualité sur des contenus peu repris sur internet.
Une statue de pharaon, des pilules d’ecstasy, une danseuse colombienne, un éléphant en gros plan… Le nouveau site d’information américain Vocativ ressemble à s’y méprendre au Tumblr d’un hipster à la recherche du Beau. Les photographies qui ornent entièrement sa page d’accueil servent de porte d’entrée aux articles de la cinquantaine de journalistes qui travaillent au bureau de New-York du site.
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Depuis des mois, Vocativ préparait son lancement, recrutant des reporters à droite et à gauche avant de donner le coup d’envoi d’une première version bêta sur WordPress fin 2012. Le site a finalement été lancé officiellement lundi 4 novembre, et son créateur Mati Kochavi assure depuis le service promotionnel sans rechigner. En toute modestie. « En gros, ce qu’on essaie de faire ici, c’est de révolutionner l’industrie du journalisme« , a-t-il déclaré à Bloomberg TV.
Un logiciel pour repérer les « signaux faibles »
Cet homme d’affaire d’origine israélienne, qui a fait fortune dans l’immobilier, a engagé ceux qu’il appelle des « data ninjas« , une demi-douzaine de programmeurs qui « fouillent le Web » à l’aide d’une technologie propriétaire (un logiciel dont la modification et l’usage sont limités) appelée Open Mind.
Grâce à cet outil, les programmeurs, éditeurs et journalistes sont censés être capables de repérer ce que Mati Kovachi appelle des « signaux faibles« , des connexions et liens qui permettraient de mettre l’accent sur des informations auxquelles personne ne fait attention sur le Web. « On veut trouver l’aiguille dans l’immense botte de foin qu’est Internet. La ramasser et dire ‘elle est importante’. Puis, on se demande si on doit la publier en tant qu’histoire ou non« , insiste l’homme d’affaire.
Un deep web pas si deep
Car selon le créateur de Vocativ, seul 20% de l’Internet est accessible par Google. Pour son rédacteur en chef Scott Cohen, ses journalistes ont accès aux « 80% restants » grâce à cette technologie propriétaire, qui peut « voir ce que Google n’est pas construit pour voir, en ciblant les réseaux sociaux, les archives publiques et les banques de données« , souligne-t-il dans le New York Observer.
Sauf que cette notion de « deep web », mise en avant par les patrons de Vocativ comme étant la source principale de leurs papiers, est contestable. Pour Jean-Marc Manach, journaliste spécialiste d’Internet et des questions de vie privée, il faut différencier le Deep Web du Web invisible:
« Le Web Invisible, c’est ce qui n’est pas répertorié par les moteurs de recherche, comme les Pages Jaunes ou Facebook. A l’inverse, on voit apparaître le Dark Web (ou Deep Web) : des réseaux privés dont les gens se servent pour cacher des choses. »
Vocativ se servirait ainsi plutôt dans le Web Invisible que dans ce qu’ils appellent le Deep Web, un terme peut-être privilégié pour sa résonance plus mystérieuse et excitante.
Au-delà de la troisième page de résultat sur Google
D’autant plus que certains articles, comme cette brutale vidéo tournée en Syrie qui est à la Une du site, se concentrent sur des vidéos YouTube. Une plateforme de diffusion qui appartient… à Google ! Jean-Marc Manach souligne le paradoxe.
« Vocativ se débrouille pour mettre en valeur des vidéos, mais on ne peut pas dire que celle-là, comme celles qui proviennent de Playlist YouTube, ne sont pas indexées par Google ! »
Et le journaliste d’insister : « il faut remettre ça en perspective : combien de gens vont au-delà de la troisième page de résultats lors d’une recherche Google? » Le site d’information, lui, va au-delà.
Si Vocativ exagère clairement sa « recherche dans les bas-fonds de l’Internet », le site propose toutefois des contenus originaux et un travail journalistique poussé (la rédaction n’hésite pas à envoyer des reporters sur place, même si d’autres articles font plus de l’agrégation que de l’enquête).
Avec ses airs à la Vice et ses articles présentés pour attirer la génération des « millenials » (Génération Y), Vocativ a tout pour fleurir. Du moins jusqu’à ce que d’autres cherchent à s’installer sur ce même terrain.
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