La semaine dernière, des compromis provisoires, une France crispée, une génération Y qui se dresse, et le monde qui vient.
“Je connais des tas de gens qui vivent comme en parallèle à ce qu’ils sont au plus profond d’eux : ils se sont trompés de travail, de conjoint, ou de genre sexuel, ils dénient leur propre identité, et deviennent durs et déplaisants”, raconte David Grossman.
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On ne décide jamais un jour de renoncer à soi-même. Ça s’impose tout doucement, de petits renoncements en infimes lâchetés, de peurs non surmontées en apparentes solutions de facilité. Au début, ce sont des compromis provisoires, et puis progressivement, nous admettons que ces compromis ne sont qu’une adaptation de ce que nous sommes à la réalité.
Ne pas descendre en marche
Il n’y a plus de plan B. Un masque a pris possession de notre visage, impossible de l’arracher. Nous nous sommes écartés de nous-mêmes. Nous avons renoncé. Nous sommes devenus adultes et vieux en même temps, aigris, rabougris, vaincus.
Nous savons au fond de nous que c’est une défaite insupportable, que nous sommes en train de passer à côté, mais c’est trop tard, le train est lancé, nous ne pouvons plus descendre en marche, et nous assenons avec de plus en plus de fermeté ce que nous savons être un mensonge, une négation et une insulte à ce que nous sommes.
Et si le réveil était possible ?
Ainsi de Dovalé, le héros du livre de Grossman, ainsi de la France, d’autant plus crispée sur son identité qu’elle y renonce quotidiennement en se voyant si petite et peureuse, ainsi de la gauche, qui ne peut plus être elle-même sans être qualifiée de “radicale”, et ainsi de nous-mêmes.
Et si le réveil était possible ? Et si ce n’était pas si compliqué que ça ? Et s’il suffisait de décider ? David Grossman dit “C’est un privilège de s’autoriser une seconde chance dans cette vie-là, sans attendre une autre vie” dont nous pouvons raisonnablement penser qu’elle n’existe pas.
Autorisons-nous ce privilège. Le pragmatisme, ce nouvel opium du peuple, est un enfer artificiel. Il est possible de se désintoxiquer. C’est même en train de se produire. En Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn, a été élu à la tête du parti travailliste avec “les vieilles recettes éculées de gauche” que les élites d’Oxbridge pensaient bonnes “pour les ‘pays du Club Med’ : Espagne et Grèce”.
Aux Etats-Unis, Bernie Sanders, “ancien hippie de Brooklyn, impénitent gauchiste du Parti démocrate, est devenu la dernière sensation politique”, qui fait la course en tête dans les sondages devant Hillary Clinton “dans les deux premiers Etats qui devront voter pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle de 2016”.
A chaque fois, c’est la génération Y qui se dresse et refuse “qu’on préfabrique pour elle le monde qui vient”. Un vent de jeunesse se lève, qui réveille le réel et les possibles, “en Grande-Bretagne aujourd’hui, en France demain ?” Lana Del Rey voudrait vivre “sans inquiétude, sans peur”.
Je rêve que l’inquiétude et la peur ne nous empêchent plus de vivre.
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