Pour sa 25e édition, le festival historique de Perpignan prouve que le photojournalisme, malgré une économie passablement sinistrée, est bien vivant et irremplaçable. On y rencontre, d’expos en tables rondes, des photographes qui risquent leur vie et leur santé mentale pour raconter des histoires et l’Histoire en train de se faire.
Il y a 24 ans, Perpignan accueillait un tout nouveau festival. Dédié au photo-reportage, Visa pour l’image mettait en lumière le boulot d’agences prospères et de photographes en pleine ascension. Samedi 31 août 2013, l’événement a ouvert sa 25e édition, dans un contexte malheureusement moins faste.
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A l’époque, la grande paraît-il, « les magazines produisaient beaucoup, dans de bonnes conditions financières. C’était un autre temps. Un autre monde.” explique Jean-François Leroy, directeur de Visa pour l’image. “Aujourd’hui, on produit à moindre coût, de nombreuses agences ont disparu et les photographes qui vivent décemment de leur métier sont à peine quelques dizaines… Les raisons de cette révolution ? On les connaît. Elles ont été analysées, commentées, discutées, à de très nombreuses reprises. Tous les secteurs de cette profession ont été chamboulés. Radicalement. Du circuit des ventes aux labos, il a fallu reconsidérer chaque maillon de cette chaîne. Tout réinventer. Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant d’aspirants photographes.”
Malgré un schéma économique à reconstruire pour tout une filière, le métier fait toujours rêver. Aujourd’hui, “la technique se maîtrise très facilement, mais pour être un vrai journaliste, c’est autre chose… Raconter une histoire véritable, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Faire des photos correctes, si.”
Reporters sur le fil
Pour le meilleur de la profession, le festival égrène donc une fine sélection d’écritures et d’histoires photographiques, où les zones de conflit constituent souvent l’arrière-plan. Esclavage moderne en Haïti, émeutes en Turquie, fragiles lignes de vies en Afghanistan, réfugiés en RDC sont au menu d’un programme où les terrains les plus chauds de la planète tiennent l’affiche.
Dans les zones tribales du Pakistan – bastion des talibans –, Sarah Caron est parvenue à intégrer l’univers privé, et rarement photographié, des femmes pachtounes. En Syrie, Jérôme Sessini, Sebastiano Tomada ou Goran Tomasevic ont risqué leur vie sur les très instables lignes de front, pour informer le public sur une guerre qui, selon les estimations des Nations unies, a fait entre 94 000 et 120 000 victimes.
War Addict ?
Festival engagé, Visa tire également l’alarme sur les pressions psychologiques vécues par les journalistes en temps de conflit ou de catastrophes… “Plusieurs études montrent qu’après avoir risqué leur vie pour témoigner d’événements d’actualité, certains reporters souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou de dépression” alerte Jean-François Leroy.
De la santé psychologique des reporters de guerre et des motivations qui les poussent à retourner dans les endroits les plus dangereux au monde à la recherche de l’actu… Voilà en substance le programme d’un large colloque autour de ces défis psychologiques, animée par Anthony Feinstein, professeur au département de psychiatrie de l’université de Toronto .
Le métier fait toujours rêver
Malgré la précarisation ou la violence de la profession, « ce métier fait toujours rêver, explique Jean-François Leroy. Et il aura toujours besoin d’une place où se rencontrer, où discuter, où échanger. Je pense qu’avec la virtualisation de la presse, où le New York Times ou le Washington Post n’existeront plus en version papier mais uniquement sur le Net, il y aura quand même une envie de se retrouver, de parler, et ailleurs que sur les réseaux sociaux. C’est mon pari. »
Hors expos mais bien présents dans les murs de l’événement, Don McCullin, Patrick Chauvel ou Stanley Greene se baladeront au détour d’une table ronde ou de rencontres. Des gardiens du temple à croiser jusqu’au 15 septembre à Perpignan.
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