C’était l’évènement de la nuit de jeudi à vendredi. De minuit à cinq heures du mat’, Pascale Clark et Vincent Lindon ont squatté avec bonheur l’antenne de France Inter. De la grande radio, cinq heures de direct qu’il ne fallait surtout pas louper : bah ouais, il n’y aura pas de podcast. Heureusement, on était là, et on vous raconte.
Minuit. Une voix dans la nuit. « Voilà nous y sommes. » C’est Pascale Clark qui parle. En face d’elle, l’acteur Vincent Lindon, veste noire, chemise blanche. Non, ce n’est pas une redif’ de Comme on nous parle, l’émission matinale de la journaliste. Pourtant ils sont tous là, les techniciens, réalisateurs, producteurs, assistants, toute l’équipe de l’émission, en régie, retenant leurs souffles. Voilà près d’un mois qu’ils préparent d’arrache-pied un évènement qui se veut unique. Un one-shot, sans filet, sans podcast, juste pour ceux qui sont là, à l’écoute chez eux, derrière leur poste, dans leur voiture, dans leur camion : les insomniaques, les solitaires, les travailleurs de nuit, les fidèles.
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– Comment ça va Vincent ?
– Je me sens bien. La peur est passée.
(Il fallait les voir un quart d’heure plus tôt fumer en speed leur dernière clope à la fenêtre, excités, fébriles.)
– Et t’façon Vincent, qu’est-ce qu’on risque ?
– Rien.
– Générique.
Et c’est parti pour cinq heures de direct, au cœur de la nuit. Avec, ils l’ont promis, un programme chargé : de la poésie, des lives, des surprises, beaucoup d’invités. Une idée de Lindon, une envie de prendre le temps, « comme quand on roule la nuit, et qu’on se dit qu’on est parti pour un long voyage« . Du voyage, la complice Pascale Clark a tout de suite voulu en être. France Inter ne s’est pas fait prier pour dire banco. Ce genre d’expérience se tente les yeux fermés.
La nuit, tout est permis
Et il faut l’avouer, la soirée a commencé fort. Avec – tant qu’à faire – un oiseau de nuit, un vrai. On l’avait repéré dans un coin du studio, caché derrière son clavier, ses longs cheveux blonds et ses lunettes noires : le chanteur Christophe a l’honneur d’ouvrir le bal, de minuit bien sûr. C’est, dit-il, « une bonne heure pour chanter. » Alors on se tait, on l’écoute. Il parle des « Paradis Perdus« . Il chante : « Le crépuscule est grandiose« . Vincent Lindon est concentré, ému : « j’l’adore Christophe, j’suis fou de lui. »
L’ambiance est installée. Religieuse dans le studio, studieuse en régie, et festive à l’extérieur. Les invités papotent dans les couloirs où un buffet a été installé. Mathieu Lindon, écrivain et journaliste, vient rejoindre son cousin en studio, accompagné du réalisateur Xavier Giannoli et de la journaliste Eva Bettan. Ils viennent évoquer la Dolce Vita, le premier des cinq thèmes qui seront abordés au cours de la nuit. Un extrait sonore des Valseuses s’invite au milieu de la discussion : « … et on bandera quand on aura envie de bander », dit Depardieu. Bah ouais, à cette heure tardive, on peut se permettre certaines choses sur France Inter.
Hum, pas qu’à l’antenne d’ailleurs. En coulisses, les invités à venir ont investi le bureau de Philippe Val (le dirlo) pour boire des coups. Pas de chance, le voilà qui vient checker comment ça se passe, accompagné du big boss avec ça (Jean-Luc Hees, le patron de Radio France). En même temps, du rouge, y en a aussi sur le plateau du studio, mais c’est ça la nuit aussi. L’ambiance est détendue, et Christophe entame Les Mots bleus, c’est beau.
« On se jette tous, c’est le principe »
Une heure du mat’, les deux animateurs s’accordent une petite pause pendant le flash info. « C’est génial« , s’enthousiasme Lindon, heureux, en sortant du studio. Frédéric Pommier entame sa première chronique de la nuit, « ce que vous avez loupé l’heure d’avant », exercice difficile mais réalisé avec talent et humour (« mais il m’aurait fallu huit heures de plus en fait« , plaisante-t-il en coulisse). L’artiste Manset vient lire un poème et discuter un peu. On le trouve étonnement simple et accessible pour un homme habitué à cultiver le mystère. C’est peut-être encore la grâce de la nuit.
Tout semble plus simple à ces heures désertées. « On se jette tous, c’est le principe », dit Pascale Clark. Sandrine Kiberlain chante du Françoise Hardy. L’actrice Emmanuelle Devos parle du langage de l’amour. Vincent Lindon explique pourquoi il préfère les longues lettres d’amour aux textos droit au but.
Paris s’éveille, à vous les studios
Chaque heure, l’indispensable flash info, brusque immersion de réalité, vient rompre le fil soyeux des confidences. « Otages au Cameroun », « Montebourg versus Titan ». Ouch. Le très sympathique Hippolyte Girardot se ressert un verre de pif pour tenir le choc. On croise Philippe Val qui s’en va, bon joueur, sans avoir mis fin au squat de son bureau. Mais tant pis, ça valait le coup : « j’adore le concept de cette nuit, c’est inattendu, surprenant. »
On s’enfonce dans la nuit, ça discute addiction avec le réalisateur Benoît Jacquot, ça questionne la notion de pouvoir à trois heures passées avec Pierre Lescure et l’écrivain Serge Bramly. Au fil des heures le temps semble s’accélérer. Il se suspend toutefois – avec bonheur – lors des lives de la jeune chanteuse Soko, habitée, à fond, envoûtante. A quatre heures, un Patrick Cohen (« Pat Cooo ! ») à moitié réveillé fait un tour en studio avant d’aller préparer sa matinale. Les Kids délivrent un joli reportage-hommage à Vincent Lindon : des anonymes racontent les scènes où l’acteur les a le plus marqué, revisitant ainsi sa filmographie, de La Crise à Pater en passant par Welcome.
Dernière heure, déjà, et dernière ligne droite avec l’arrivée de l’acteur Gilles Lellouche, en pleine forme. Les autres accusent un peu la fatigue, normal, les nerfs relâchent, ça rit beaucoup et ça finit même en mode karaoké décomplexé, Lindon et Lellouche se lancent au micro sur « Stand by Me » (et Cohen qui arrive halluciné : « mais c’est qui qui chante ?! »). Dernière surprise mais pas des moindres, un appel de Jacques Dutronc en personne, qui entonne depuis la Corse : « Il est cinq heures, Paris… s’éveille. » Temps pour Pascale Clark de passer le flambeau : « Il est cinq heures passé de deux minutes, les infos, Maxime Debs. » Les micros s’éteignent. Des cris de joie retentissent dans le studio.
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