Mardi 16 juillet, sur le plateau de LCI, plusieurs journalistes ont malmené l’un des auteurs des enquêtes de Mediapart concernant François de Rugy. Lui demandant même de donner les noms de ses sources.
C’est un moment de télévision quelque peu surréaliste… Quelques heures après la démission de François de Rugy, ce mardi 16 juillet, le journaliste de Mediapart Michael Hajdenberg était en duplex sur LCI dans l’émission Le Grand Dossier. Il est l’un des auteurs des enquêtes qui ont été publiées depuis une semaine sur le ministre de l’Ecologie et ses dîners fastueux, ou ses travaux aux frais du contribuable, ou bien encore l’utilisation douteuse de ses frais professionnels… Seulement voilà, les journalistes présents sur le plateau de LCI avaient plusieurs remarques à faire à ce sujet, comme l’a révélé le twitto BalanceTonMédia. Le tout dans une séquence sobrement intitulée « Mediapart en voulait-il à De Rugy ? ».
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« Coup de grâce », « il pouvait ne pas être au courant », ou encore « Vous n’aviez pas besoin de vous refaire la cerise avec une affaire qui claque un peu ? », a interpellé sérieusement Hélène Lecomte, présentatrice de LCI. Présent dans l’émission, le journaliste de Valeurs Actuelles Louis de Raguenel a dénoncé une « culture de la délation », et un journal qui se serait, d’après lui, déjà trompé dans le passé… « En quoi s’est-on trompé ? », demande alors le journaliste de Mediapart, qui rappelle que le journal n’a jamais été condamné, y compris dans les révélations autour de l’affaire Libyenne.
“Il faut que ces gens-là assument !”
« Il n’y a pas de culture de la délation il y a une culture de l’information », a rétorqué Michael Hajdenberg avant de poursuivre : « Si vous ne comprenez pas que le métier de journaliste c’est de sortir des infos qui sont parfois cachées, alors on n’a pas la même conception du métier de journaliste. Eh bien j’en suis désolé. Vous, vous pouvez commenter et raconter n’importe quoi sur des dossiers que vous ne connaissez pas, nous, on sort des informations, et on n’est pas condamnés en justice. »
Michael Hajdenberg (Mediapart) était en duplex sur LCI hier soir dans l’émission Le Grand Dossier et visiblement les personnes présentes sur le plateau avaient beaucoup de questions et de remarques a lui faire.#Macron #DemissionDeRugy #kebab pic.twitter.com/4ayN6oyPWr
— BalanceTonMedia (@BalanceTonMedia) July 17, 2019
Une autre séquence isolée de l’émission montre Pascal Jalabert, rédacteur en chef des pages d’informations générales des quotidiens régionaux du groupe Ebra (Est Bourgogne et Rhône-Alpes) demander au journaliste de révéler ce qu’il appelle le « making-of » de son enquête. « Est-ce que vous pouvez nous révéler les personnes (…) qui vous ont envoyé les photos des homards et des bouteilles, et nous dire qui à EELV vous a envoyé les cotisations pour que les lecteurs sachent, que ce soit transparent. Comment vous avez eu les infos, il n’y a pas de secret de sources là-dessus, il faut que ces gens-là assument aussi ! », a-t-il insisté sérieusement avant d’ajouter sur un ton presque menaçant : « On les donnera, nous, les noms si on les a, et on va les avoir ». « Le secret des sources c’est la base du journalisme, on protège les gens qui mettent en danger leur vie pour nous informer », a alors répondu le journaliste de Mediapart.
Scène surréaliste sur LCI ou un éditorialiste demande à @mhajdenberg (Mediapart) ses sources dans l’affaire De Rugy:
– Qui vous a donné ces infos ?
– il n’y a pas de secret des sources la dessus
– Dites-nous !
– On les aura nous les noms, on va les avoir !#DeRugyDemission pic.twitter.com/mQsny7jAty
— BalanceTonMedia (@BalanceTonMedia) July 16, 2019
La protection du secret des sources
La protection des sources d’information des journalistes est considérée par la Cour européenne des droits de l’Homme depuis le 27 mars 1996 et son arrêt Goodwin c/ Royaume-Uni comme « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. » En France, la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse, article 2 sur la protection du « secret des sources des journalistes dans l’exercice de leur mission d’information au public » a été par ailleurs consacrée par la loi du 4 janvier 2010 qui interdit toute atteinte directe ou indirecte au secret des sources. De plus, le code de procédure pénale (article 326 et 437) affirme que les journalistes, entendus comme témoins devant la Cour d’assises ou le tribunal correctionnel disposent de la faculté de ne pas révéler l’origine de leurs sources.
Pour rappel, Pascal Jalabert avait été l’un des chefs de file de l’interview collective d’Emmanuel Macron donnée à plusieurs quotidiens régionaux le 20 mai dernier. La Voix du Nord et Le Télégramme avaient refusé d’y participer. Et pour cause, dans un tweet, le rédacteur en chef de La Voix du Nord, Patrick Jankielewicz, avait jugé qu’« à cinq jours du scrutin, cela perturberait l’équilibre du traitement de la campagne auquel nous essayons de veiller ». « Et la publication est soumise à la relecture préalable de l’Elysée. Donc c’est sans nous ».
@lavoixdunord ne participe pas à l’interview d’E. Macron par la PQR. A 5 jours du scrutin, cela perturberait l’équilibre du traitement de la campagne auquel nous essayons de veiller et la publication est soumise à la relecture préalable de l’Elysée. Donc c’est sans nous. #Macron
— Patrick Jankielewicz (@PJankielewicz) May 20, 2019
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