Juck est un groupe suédois composé de 5 danseuses. Dans ce court métrage, elles dénoncent, par la danse, le diktat qui pèse sur les artistes performeuses : être sexy avant tout. L’exemple des photos du Superbowl de Beyoncé, sorties l’années dernières sur Buzzfeed, est parlant. La chanteuse avait été prise en flagrant délit de naturel, […]
Juck est un groupe suédois composé de 5 danseuses. Dans ce court métrage, elles dénoncent, par la danse, le diktat qui pèse sur les artistes performeuses : être sexy avant tout.
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L’exemple des photos du Superbowl de Beyoncé, sorties l’années dernières sur Buzzfeed, est parlant. La chanteuse avait été prise en flagrant délit de naturel, le visage capturé dans des expression d’effort, les muscles tendus. En quelques heures, ces photos, et leurs détournements sur Photoshop, sont devenus un phénomène sur internet, amplifié encore par la demande du manager de Beyoncé de retirer les photos du net. Beyoncé, dont l’image est d’ordinaire parfaitement maîtrisée et qui répond sans cesse aux canons du sexy, s’est retrouvée moquée à travers le monde, pour avoir été naturelle.
Les femmes doivent correspondre sans cesse aux attentes du regard de l’homme : elles doivent être souriantes, lisses, ne jamais laisser transparaître la moindre once de force ou de caractère. Une femme drôle, puissante ou intelligente, perd immédiatement tout son sex-appeal ; et si une femme n’est pas sexy, elle est discréditée, puisqu’elle ne rentre plus dans le rôle qui lui est assigné par la société phallocrate. Dans Plaisir visuel et cinéma narratif, publié en 1975, Laura Mulvey définissait déjà le principe du « male gaze », le regard masculin, qui cantonne les femmes dans une perspective érotique : elles ne sont que des objets de désirs, sans être des sujets agissants.
Dans leur vidéo, les danseuses de Juck parviennent à s’extraire de ce regard masculin. Loin d’être décoratives, les cinq danseuses sont actives, expressives, elles existent pour elles-mêmes et non pour embellir quelqu’un d’autre.
Leur clip est un détournement intelligent de tous les codes de la danse : qu’ils représentent une certaine idée de la féminité, fantasmée (la tenue d’écolière, les bulles de savon) ou de la masculinité exacerbée (danse pelvienne, boxe). Chaque détail du clip est pensé comme une revendication, du mouvement de la caméra au lieu de tournage. Le résultat est d’une extrême beauté, apportée non pas par la simple présence d’un corps de femme, mais par un sens aigu de la chorégraphie et de l’esthétique.
Lire l’article de Ravijojla Novakovic sur Stocktown
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