« Omerta sur la viande », de Pierre Hinard, est une plongée dans les coulisses des abattoirs de Cazel Viandes, fournisseur de marques comme McDo, Flunch ou Auchan.
Si vous n’aviez pas encore décidé de devenir végétarien, ce livre pourrait bien vous aider. Ou au moins, il pourrait vous convaincre de ne plus acheter la dernière promo sur le rôti en grande surface. Dans son Omerta sur la viande, Pierre Hinard raconte les dessous de l’industrie agro-alimentaire, et plus particulièrement ce qui se passe dans les abattoirs, où il a travaillé pendant plusieurs années en tant que responsable du service qualité. Avant de se faire virer pour avoir dénoncé de multiples manquements aux règles d’hygiène, entre autres.
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Des asticots dans les steaks, et pas seulement
Pierre Hinard déballe tout. Un peu plus d’an après le scandale de la viande de cheval Spanghero, il livre les magouilles qui se pratiquaient dans la société où il travaillait, Castel Viandes, en Loire Atlantique. Cette boîte dirigée par Jeff Viol est ou a été le principal fournisseur d’enseignes comme Auchan, McDonald’s, Flunch, et de marques telles que William Saurin ou Lustucru. La description de Pierre Hinard a de quoi vous donner des hauts-le-cœur : du sang de bovins étendus dans les champs, de la viande décongelée puis recongelée, des dates de péremption dépassées. Et c’est sans compter cette ragoûtante histoire d’asticots sur les toits de l’abattoir, asticots qui, parfois, tombent dans le broyeur qui sert à faire… les steaks hachés.
Flunch a certaines fois renvoyé des lots de viande qu’il jugeait « verdâtre », ou malodorant. McDo aussi a dénoncé de la marchandise pas assez congelée. Mais lorsque Castel Viandes voit le retour d’invendus ou de lots « signalés », le PDG force la main pour réutiliser cette viande. Pierre Hinard a ainsi pu entendre :
« On la mettra à William Saurin, ils en feront des sauces et des conserves, pasteurisées on n’y verra que du feu ! »
Et d’évoquer les raviolis, ou autres hachis Parmentier et lasagnes « au bœuf », qui ne sont rien d’autre que les restes de « viandes souillées, renvoyées par un ou plusieurs clients, avec des dates dépassées, des viandes vertes, celle avec des asticots… tout finit dans la broyeuse à destination des industriels. »
Tout le monde se tait
Comment une entreprise peut-elle avoir de telles pratiques sans que personne ne puisse le voir ? Les contrôles d’hygiène n’existent-ils pas ? Dans son livre, Pierre Hinard explique comment, du directeur commercial au PDG en passant par les chefs vétérinaires, mais aussi les élus (le maire de Châteaubriant, ville où est implantée Cazel Viandes, ou le député), tous se taisent, voire camouflent ces problèmes. C’est ainsi que Jeff Viol a plusieurs fois remis sur le marché des invendus, en trafiquant les étiquettes et les dates de production, créant ainsi des « fausses traçabilités ». L’auteur du livre a parfois dû s’en rendre complice, jusqu’au jour où il a décidé de dire « stop ». C’était en décembre 2008.
Malgré ses alertes aux autorités sanitaires, tout le monde garde ses œillères. La principale raison avancée : « On ne peut pas mettre en danger une entreprise qui emploie plus de 250 salariés ». Du « chantage à l’emploi », dénonce Pierre. Et ça marche. Les employés eux-mêmes rechignent à appuyer ses propos, alors même qu’ils sont les principaux témoins, dans les abattoirs, des pratiques catastrophiques de leur boîte.
26 infractions au Code pénal, du travail, et de consommation
Quatre ans après son licenciement, en 2012, Pierre parvient enfin à faire entendre un peu sa voix. Un an plus tard, une enquête conclut à 26 infractions au Code pénal, du travail et de la consommation. Elle met en avant non seulement les entraves à des règlements concernant l’hygiène, mais aussi du travail dissimulé, entre bien d’autres éléments. Le PDG Jeff Viol et la responsable qualité, ancienne adjointe de Pierre, sont mis en examen en juin 2014. Ils sont soupçonnés de « tromperie aggravée par un risque pour la santé de l’homme et tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise. »
Ce scandale tombe quasi en même temps que l’affaire Spanghero. L’Union européenne avait déjà rappelé la France à l’ordre plusieurs fois, rappelle Pierre Hinard. Et cette année, c’est la Cour des Comptes qui dénonce le manque de contrôle du ministère de l’agriculture.
Plus de garanties pour les lanceurs d’alerte
Bien qu’il ait été accusé plusieurs fois de calomnie par ses patrons, Pierre Hinard apparaît comme un véritable lanceur d’alertes. Un rôle qui lui a coûté son poste de l’époque, mais aussi des ennuis avec la justice et des menaces de la part de ses anciens employeurs. Dans Omerta sur la viande, il préconise donc que soit revu le statut des salariés : ils devraient pouvoir témoigner contre leur employeur tout en gardant l’anonymat.
Six ans maintenant après son licenciement, Pierre Hinard est revenu à ce en quoi il croit : il élève une trentaine de vaches. Pour lui, il n’y a pas meilleure viande que celle qui a été nourrie à l’herbe. Il n’y a pas 36 moyens de s’assurer de cela : l’achat direct au producteur reste la meilleure solution. Et après avoir lu ce livre, on vous l’assure, vous réfléchirez à deux fois avant d’acheter le steak haché discount à bas prix, le couscous William Saurin, le Big Mac ou les merguez bien épicées vendues en lots tous les étés.
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