Même s’il affiche le nom d’Hitchcock au-dessus de son titre, le jeu de Pendulo Studios prend ses distances avec son modèle pour un résultat inégal et néanmoins marquant.
D’abord vient la perplexité. Ça, c’est Vertigo ? Et pas juste Vertigo mais “le Vertigo d’Alfred Hitchcock”, ce qui laisse penser que le dernier jeu du studio espagnol Pendulo (Runaway, Yesterday…) doit être abordé comme une adaptation de ce film considéré comme l’un des plus beaux de tous les temps.
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Sauf que non : ce serait plutôt une affaire d’échos, de reprises de motifs et de correspondances avec, en bonus, quelques emprunts à d’autres films du grand homme (le rideau de Psychose, l’hypnose de La Maison du Docteur Edwardes…). C’est une certaine vision du remake : non pas prendre l’œuvre originale comme modèle mais s’approprier ses éléments pour produire autre chose, quitte à revenir sur son territoire quand on croyait s’en être le plus éloigné. Ce qui tombe plutôt bien à propos d’un film reposant lui-même largement sur un principe de reproduction et de variations.
Proche de Life is Strange
Follement ambitieux, ce Vertigo-là se révèle aussi être un jeu plutôt bancal et mal fichu. C’est dommage, mais on en voudra toujours moins aux créateurs qui en donnent trop (d’idées, de dispositifs, de personnages à découvrir…) qu’à ceux qui choisissent la facilité. Et, avec cette histoire d’écrivain souffrant de vertige et suspecté de meurtre, de jeune femme mystérieuse qui pourrait bien en être une ou plusieurs autres, de thérapeute et de shérif entre deux âges incarnant deux méthodes de recherche de la vérité, on ne peut pas dire que les développeurs de Pendulo soient allés au plus simple.
Y compris parce qu’en nous faisant revivre l’enfance de personnages troublés (façon Life is Strange, avec un système de jeu proche entre exploration et dialogues à choix multiples) ou en nous changeant en exécuteurs·trices d’une violence non désirée (cf. The Last of Us Part II), il ose se frotter à certains des jeux les plus marquants de ces dernières années.
Coffre aux trésors
Et alors ? Alors après avoir beaucoup tenté, réussi et raté, Vertigo retombe sur ses pieds en nous communiquant enfin, à force de tourner et retourner sur lui-même, le vertige promis. Mais ce fouillis indigeste et curieusement décentré se révèle surtout un formidable coffre aux trésors dont on tirera une multitude d’impressions précieuses. Sur le passage du temps et les manières dont il s’imprime sur les choses et les gens, sur les histoires qu’on se raconte enfant et auxquelles on se raccroche parfois longtemps ou, plus simplement, sur le plaisir qu’il peut y avoir à prendre soin de quelqu’un. Et, évidemment, sur la force du désir de recommencement, à l’identique ou autrement.
On peut ne pas aimer le héros, plutôt veule, de ce Vertigo nouveau et être gêné·e par son traitement de certains personnages, notamment féminins. On peut tiquer devant sa progression très mécanique (une liste de tâches à accomplir dans l’ordre) et même ressentir une envie fréquente d’en refaire le “montage”, de couper un peu par ci, de recoller deux séquences ailleurs, d’accélérer le mouvement. Mais il est de ces jeux qui laissent des traces. Vertigo n’est qu’un moyen, une clé. C’est toujours sur soi-même qu’on tombe après être entré.
Alfred Hitchcock – Vertigo (Pendulo Studios/Microids), sur Windows, environ 30 €. À paraître sur Switch, PS4, PS5, Xbox One et Xbox Series X/S.
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