Depuis quelques années, de plus en plus de Français décident d’adopter un régime végétarien ou végan. Le déclic ? Pour certains, il s’agit des vidéos mises en ligne par des associations animalistes, dont la plus connue : L214. Mais pourquoi ces vidéos ont un tel effet sur leurs spectateurs ? Voici quatre éléments de réponse.
1- Le choc de l’image
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Si chacun est conscient que la viande provient, à l’origine, d’animaux vivants, le visionnage de vidéos montrant des vaches, porcs et poulets agonisant dans les abattoirs et les élevages constitue souvent un vrai choc. Ces images, qui donnent à voir la souffrance animale, impactent ceux qui les regardent à tel point que certains abandonnent ou, tout du moins, réduisent leur consommation de viande. C’est le cas de Diane, qui est devenue végan après avoir été confrontée en images aux violences subies par les poussins dans les élevages de poules pondeuses : « C’était en 2014, j’ai vu une vidéo de L214 sur les poulets« , raconte-t-elle aux Inrocks. « On voyait des poussins qui étaient broyés. Depuis, à chaque fois que j’achète des œufs, j’ai les images en tête. » On a beau savoir que les steacks proviennent d’une vache qui a dû souffrir, le fait de voir les images change tout. Même chose pour Tristan, jeune végétarien de 19 ans, qui explique : « Je voulais devenir végétarien déjà en 2017 après avoir vu une vidéo de L214. Après ça, j’ai regardé des documentaires là-dessus et j’ai commencé à ressentir beaucoup moins de satisfaction en mangeant de la viande et du poisson. Ces vidéos m’ont traumatisé, ça m’a mis tellement mal que je suis devenu végétarien. »
Pour d’autres, déjà sensibilisés, les images tournées par L214 achèvent de les convaincre, à l’instar d’Adélaïde, flexitarienne depuis 3 ans. »J’ai toujours été sensible à la cause animale, je n’ai jamais mangé beaucoup de viande et je faisais attention à l’acheter en bio. Quand L214 a sorti la vidéo sur les abattoirs bios, j’ai pris conscience que je ne pouvais plus me cacher derrière le bio sous prétexte qu’ils étaient moins maltraités et je me suis dit : c’est terminé. » Adélaïde, Tristan et Diane ne sont pas seuls puisque le marché végétarien/végan a enregistré une hausse de 24 % pour la seule année 2018.
2- Des vidéos qui dévoilent une réalité cachée
Ces vidéos poussent à devenir végétarien “parce qu’elles ont valeur de témoignage et c’est, aujourd’hui, ce qui participe le plus à changer nos comportements”, selon André Gunthert, maître de conférences en histoire visuelle à l’EHESS. Ces vidéos apportent une réelle information à celui qui la regarde. C’est ce qui les différencie des actions militantes de rue qui participent aussi à changer notre vision de la souffrance animale, mais dans une moindre mesure. « Parce que c’est un geste symbolique. Alors que ces vidéos montrent un travail d’enquête, une information qui est souvent volée et qui révèle une vérité cachée », précise l’universitaire aux Inrocks.
Ces images effrayantes dévoilent une réalité sur l’élevage industriel et sur l’abattage que les agriculteurs et les industriels n’ont pas intérêt à montrer aux consommateurs. Aurélie, 30 ans, en témoigne :« Par conditionnement, je ne réalisais pas l’existence des abattoirs et toute l’exploitation qu’il y a avant parce qu’on ne nous montre pas tout ça, comme si c’était normal… Et je suis devenue végan du jour au lendemain. » Pour André Gunthert, la publicité joue un rôle déterminant dans ce phénomène : il existe un décalage fort entre ce que montrent les spots et la réalité de la souffrance animale dépeinte par les associations animalistes. Si bien que, « quand vous tombez sur ces vidéos, vous tombez de votre chaise ».
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3- Une information militante vue comme plus « authentique »
Le climat de défiance vis-à-vis des médias traditionnels chez les jeunes aurait lui aussi son importance. Selon André Gunthert, « il y a une inversion de valeur chez les jeunes pour qui cette information militante est bien plus authentique et crédible que celle donnée par les médias classiques. » Ainsi, les manières de s’informer détermineraient déjà le fait de voir ces images ou de ne pas les voir. « Le spectateur du JT ne risque pas d’être confronté à ces images violentes. Quand les personnes plus âgées ont accès à cette information c’est souvent par le biais de leurs enfants », indique l’universitaire.
4- Une sensibilité accrue envers le sort des animaux
D’après André Gunthert, le végétarisme touche davantage les jeunes urbains. Ces citadins, en s’éloignant de la ruralité, ont changé le rapport que la société entretient avec l’animal, qui est passé du statut de bétail à animal familier. « Le rapport à l’animal a évolué proportionnellement avec notre éloignement de l’élevage. Aujourd’hui la vision de la souffrance animale est devenue insupportable pour ces jeunes », détaille-t-il. Le témoignage de Tristan vient d’ailleurs confirmer la différence de perception qui existe entre les générations : il explique avoir essayé de sensibiliser ses parents et grands-parents, mais que les vidéos n’ont pas eu tout à fait le même effet que sur lui. « Ils ont été choqués aussi et ça les a fait changer, maintenant ils achètent bio et local, mais pas au point d’arrêter la viande du jour au lendemain. »
L’empathie grandissante pour les animaux dans les milieux urbains met par ailleurs certains internautes devant leurs contradictions et les pousse à agir. « Ça m’a vraiment perturbé, j’ai mis en relation ces images avec mon discours politique de gauche, et je me suis dit que ce n’était vraiment pas normal et pas cohérent de ma part de ne rien faire », révèle Sébastien, végétarien depuis 2016.
Ces images, certains n’arrivent même plus à les regarder alors qu’elles sont à l’origine de leur changement d’alimentation. C’est le cas d’Alexandra qui ne consomme plus ni viande ni poisson depuis 3 ans : « il y a des vidéos que je ne regarde pas parce que c’est insoutenable. Pour moi ça a été un électrochoc. Quand je mangeais de la viande les images revenaient et ça m’a dégoûtée. » Charlotte, végé depuis 12 ans et végan depuis 10 émet malgré tout une réserve sur l’impact que ces images pourraient avoir sur le long terme « on s’habitue aux vidéos, moi ça me choque moins qu’avant, à force d’y être confrontée. Ça risque aussi d’arriver dans l’opinion publique. »
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