Après la nomination de Manuel Valls à Matignon, Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de Gauche, condamne une décision « sidérante » et appelle la gauche du PS à « rompre les rangs ».
Que pensez-vous de la nomination de Manuel Valls à Matignon ?
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Je pourrais presque caractériser ça comme une espèce de coup de force contre l’expression démocratique qui a eu lieu lors des élections municipales. C’est indiscutablement une incompréhension de la part de François Hollande de ce qui s’est exprimé lors de ces élections. Manuel Valls est la caricature et l’incarnation-même du social-libéralisme. C’est un homme qui a théorisé cela dans nombre d’ouvrages. Je rappelle qu’il avait titré un de ses ouvrages « Pour en finir avec le vieux socialisme, et être enfin de gauche », qu’il a proposé que le PS abandonne le nom de « socialiste », qu’il était pour la fin des 35h, pour l’augmentation de la TVA,… A mon avis sa nomination va créer une grande cassure au sein même du PS.
Ça a d’ores et déjà des conséquences : j’ai cru comprendre que Mme Duflot a annoncé qu’elle démissionnait du gouvernement. Ça va réduire encore plus le peu qu’il restait de la base sociale de ce gouvernement. Sur le plan politique, c’est une décision assez scandaleuse : le gouvernement tourne le dos à ce qui était son électorat.
La tâche pour des forces politiques comme le Front de gauche n’en est que plus importante. Je crois que l’heure est à prendre des initiatives, nous sommes en train d’en discuter. Il est clair que nous avons un gouvernement et un président de la République qui sont fermés, sectaires, qui pensent qu’il faut continuer à aller vers plus d’austérité, qu’il faut continuer à frapper encore plus les milieux populaires, à être soumis aux diktats européens qui exigent 50 milliards d’économies, alors que c’est l’inverse qui devrait être fait. Valls est l’homme d’une politique de combat contre les milieux populaires.
Cette décision marque t-elle un changement de cap du gouvernement ?
Je ne dirais pas un changement, mais un approfondissement de ce cap, qui a créé les désastres électoraux pour le PS qui ont eu lieu ce week-end. C’est assez incroyable d’observer que ce soit ce choix qui soit fait, alors que tout le monde exigeait une autre politique. Du moins les gens qui me semblaient raisonnables au sein du PS avaient fait entendre qu’une autre politique devait être menée. Ce ne sera pas le cas, ce sera la même politique, menée encore plus durement par un homme qui s’est singularisé par sa volonté d’aller encore plus loin dans cette direction, et qui est un homme extrêmement minoritaire dans le mouvement socialiste : il avait fait 5% dans la désignation interne du PS. C’est un homme qui plait à des secteurs de droite, mais qui d’un point de vue politique va continuer à fragmenter la gauche. Tout ça est incroyable.
Quel autre choix aurait pu faire François Hollande ?
C’est le choix d’une autre politique que nous voulions, qui aurait tourné le dos aux politiques d’austérité. La discussion n’est plus sur les qualités personnelles d’un tel, mais sur les choix politiques qui sont faits. Valls est connu pour défendre des idées sociale-libérales, qui tournent le dos aux fondamentaux de la gauche et du socialisme. Il est clair qu’il est nommé pour mener une politique qui va à l’encontre de ce qui devrait être fait. Ça va avoir des effets dévastateurs. Mais ça ne donne que plus de responsabilité aux gens comme nous, du Front de gauche, qui pensent qu’il faut construire une nouvelle force politique. C’est un moment intéressant à observer, mais sidérant aussi.
Vous pensez que François Hollande peut s’aliéner l’aile gauche du PS ? Peuvent-ils aller jusqu’à rompre avec lui ?
Je le souhaite. J’invite tous mes amis de la gauche du PS à rompre les rangs : François Hollande a pris votre lettre [le courant de la gauche du PS « Maintenant la gauche » lui a adressé une lettre au soir du second tour des municipales, ndlr], l’a froissée et vient de la jeter à la corbeille. Il s’est assis dessus. Il ne veut rien entendre. La démission de Cécile Duflot est un élément politique assez clair : elle refuse de cautionner cela car elle sait sur le plan politique ce que ça signifie. La gauche du PS est méprisée. Je ne doute pas que même au-delà de la gauche du PS, des élus socialistes, qui parfois ont été lourdement sanctionnés alors qu’ils avaient fait du bon travail, vont se révolter. Au Front de gauche nous serons des facilitateurs pour qu’une offre politique émerge, qui tourne le dos aux politiques d’austérité. Peut-être que la nomination de Valls va créer les conditions pour que ce que nous proposons soit mieux entendu. Pour qu’ensemble, avec EELV s’ils tirent les bonnes conclusions de leur participation au gouvernement, avec la gauche du PS, avec le FDG, avec beaucoup d’énergies qui existent dans ce pays, une politique de gauche, de relance du pouvoir d’achat, d’une plus juste de la répartition des richesses soit appliquée.
Une telle obstination de la part de François Hollande doit amener à ce que chacun sorte de son conformisme traditionnel pour participer à ce qu’il y ait une nouvelle force politique qui émerge : c’est urgent.
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