Dans le clip d’Où va le monde ?, deuxième extrait de leur prochain album, le groupe français La Femme discute amour et vanités.
Saluons le caractère extralucide de La Femme qui parvient à résumer notre sentiment le plus profond et le plus général en une phrase banale : “Où va le monde ?”, titre d’un deuxième morceau lâché le 3 juin, en prévision d’un album en septembre.
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Tandis que les réseaux sociaux se noient sous les photos de Paris englouti, que les violences policières se multiplient comme les grèves, le quotidien britannique The Independent n’hésite pas à titrer en une, le 2 juin : “Qu’est-ce qui attend désormais la France ? Une invasion de grenouilles ?”, en rappelant les attentats et la pénurie de carburant (mis sur le même plan…).
“Larme de trop”
Autant dire que si les Français n’avaient pas le moral à zéro, c’est désormais chose faite.
Mais, loin d’être un précis de géopolitique, Où va le monde ? questionne les rapports amoureux et amicaux, parle tromperie, “couteau dans le dos” et “larme de trop”.
Vanitas vanitatum
Au XVIIe siècle, le peintre souhaitant amorcer une réflexion sur la vanité avait recours à des symboles bien définis : le crâne, la bougie consumée, le sablier exprimaient le passage du temps ; le jeu de cartes et la carafe de vin la futilité des plaisirs terrestres.
Et si les toilettes étaient leur équivalent moderne ? En se filmant dans ce temple de l’intime, où l’homme ne peut se détourner de son existence physique et, donc, de son inéluctable mortalité, Marlon, cofondateur de La Femme, marche dans les traces des peintres hollandais.
Air bravache
Mais aussi dans celles d’un Mac DeMarco, qui semble avoir fait de l’adage “le ridicule ne tue pas” son mantra.
Admettant que cette situation (des toilettes, de son cœur brisé, mais aussi du monde entier – cf. cette belle carte épinglée au mur) “n’est pas normale”, Marlon assume le regard caméra et nous demande d’un air bravache : “Où va le monde ?”
Œil neuf
Dans Le Monde comme il va (1748), Voltaire utilisait le procédé littéraire dit “de l’œil neuf”, consistant à livrer une critique acerbe de la société par le biais du regard d’un personnage étranger à celle-ci.
Derrière le récit d’un amour compliqué, La Femme distille une réflexion sur la marche du monde et la désillusion d’une génération.
Violence des rapports humains
La phrase “Pourquoi tout le monde se ment et se trompe quitte à se traîner dans la misère la plus totale ?” peut ainsi faire référence aux couples s’entredéchirant comme au manque de confiance d’une population vis-à-vis de ses dirigeants.
Le clip, à l’esthétique do it yourself, navigue entre premier et second degré, joue avec la désuétude un peu niaise du karaoké, le mal-être des personnages, et contemple avec recul la violence des rapports humains. Vivement l’album.
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