Courir plus vite que les autres : toute sa vie, Usain Bolt a éprouvé cette sensation jusqu’à l’ivresse, rappelle Gaël Leiblang dans un portrait riche et incarné de l’athlète.
Les Jeux olympiques de Londres s’apprêtent à consolider sa légende, voire à le faire pénétrer dans le cercle étroit des sportifs qui sont rentrés dans l’histoire (Emile Zatopek, Bob Beamon, Carl Lewis…).
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Déjà trois fois champion olympique à Pékin, cinq fois champion du monde, Usain Bolt collectionne les trophées et les superlatifs à la mesure de son talent hors du commun. Rien ne peut stopper « Bolt l’éclair » lorsqu’il a pris son élan. Sauf lui-même : son faux départ en finale du 100 mètres des championnats du monde en Corée du Sud en 2011 a rappelé combien, à défaut de ses concurrents aux enjambées ralenties à ses côtés, il était son propre ennemi. Car rien ne sert de courir, il faut savoir partir à point.
Ce faux pas constitue l’amorce du film que Gaël Leiblang a consacré au coureur jamaïcain, comme l’indice que l’histoire facile et dorée de l’homme le plus rapide du monde restait suspendue à la moindre poussière de temps, au risque d’une absence de concentration, tant il semble désinvolte sur la piste. Filmé au plus près durant sa préparation pour les JO de Londres, Usain Bolt se révèle ici sous son visage le plus juste : celui d’un athlète habité depuis son plus jeune âge par l’idée simple et évidente de courir plus vite que les autres. Ce désir semble davantage obéir à une nécessité intérieure qu’à une volonté patiemment construite : dès son adolescence en Jamaïque, il courait étrangement vite, comme s’il cherchait à laisser derrière lui son ombre et ses proies à la fois. Les magnifiques images d’archives consignées ici – ses premières courses, enfant, ses premiers succès à l’âge de 15 ans – confirment l’évidence d’un talent né.
Comme un enfant, Bolt traverse la vie sans se poser de questions
A défaut de révéler le mystère insondable de son don, Gaël Leiblang filme de manière circonstanciée les conditions de possibilité de son déploiement : les séances d’entraînement acharné, durant lesquelles Bolt se défonce jusqu’à en vomir, les soins attentifs qu’il reçoit de la part de son staff, de son coach protecteur et intransigeant, mais aussi de ses parents et amis proches, qui vivent quotidiennement auprès de lui dans une grande maison de Kingston en Jamaïque, où la fête bat son plein tous les soirs…
Tel un grand enfant à peine émancipé de l’attention maternelle et des jeux d’ado attardé (dominos tous les soirs avec ses copains, jeux vidéo…), Usain Bolt traverse la vie comme son corps pénètre l’air : à mille à l’heure, sans se poser trop de questions, cabotinant à l’envi, riant de la légèreté de tout, surtout de ses foulées sur les pistes des stades hystérisés par ses apparitions et le mouvement de ses bras tendus vers le ciel.
Cette puissance hors norme, mêlée à une forme de naïveté indolente, nourrit ce portrait, aussi magnétique que sans grandes aspérités. Ce curieux paradoxe d’un écart entre le génie de l’athlète et la banalité du mâle fait le prix de ce film passionnant grâce à ses accès privilégiés au cœur du système échevelé d’un coureur fou. Fou parce que sa vitesse n’est que pure ivresse.
Jean-Marie Durand
Usain Bolt – L’homme le plus rapide du monde documentaire de Gaël Leiblang, jeudi 26 juillet, 21h45, France 2. En DVD le 27 (Studio Canal, Elephant Doc/Leiblang Productions), environ 20 €
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