Annoncé par la Garde des Sceaux ce mercredi 12 septembre, le plan carcéral prévoit de réduire la population carcérale en favorisant notamment les peines alternatives. Mais qu’en est-il réellement ?
Avec près de 71 000 personnes incarcérées, la France est l’un des pays où la surpopulation carcérale est la plus élevée. Mercredi 12 septembre, la Garde des Sceaux Nicole Belloubet a annoncé sa volonté de réduire le nombre de détenus de 8 000 personnes à travers la présentation d’un plan carcéral. La ministre entend favoriser les peines alternatives pour les détentions courtes, construire de nouvelles places de prison, et de renforcer les possibilités de travailler. Dans un communiqué, l’Observatoire International des Prisons (OIP) dénonce le fait que « la prison reste l’unique peine de référence ». Marie Crétenot, juriste et responsable du plaidoyer à l’OIP nous éclaire sur ces annonces.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Peut-on réellement parler d’une nouvelle politique des peines avec ce plan annoncé par Nicole Belloubet ?
Marie Crétenot – Non, pas du tout, nous sommes loin d’une révolution. On ne peut pas réellement parler d’une révision de l’échelle des peines qui pourrait conduire à moins d’incarcérations puisque lorsque l’on se penche sur les dispositifs que contient le projet de loi, ils risquent plutôt de produire l’effet inverse.
L’interdiction des peines de moins d’un mois aura-t-elle un réel impact ?
C’est une mesure avant tout symbolique puisque cela concerne seulement environ 300 personnes. Le risque c’est que cela entraine un effet de seuil qui n’est pas maitrisé : les magistrats qui voudront prononcer de très courtes peines d’emprisonnement pourront plus facilement passer à deux mois. En ce qui concerne les aménagements de peine, tout dépendra de la façon dont les magistrats s’approprieront le dispositif.
Le plan prévoit 15 000 places supplémentaires, mais est-ce que davantage de places ne signifient pas davantage de détenus ?
Dès lors que l’on créé de nouvelles places, cela créé un phénomène d’appel d’air et les prisons sont aussitôt remplies. Le plan prévoit 7 000 places supplémentaires d’ici 2022, et 8 000 après la fin du quinquennat. Les constructions seront donc lancées et la facture laissée au prochain gouvernement. Il existe déjà une dette de plus de 6 milliards d’euros liée aux constructions passées, et qui se greffe chaque année au budget de l’administration pénitentiaire et empêche ainsi en partie toutes éventuelles évolutions quant aux questions d’insalubrité ou d’activités. Sur ces questions, le plan est extrêmement flou et n’apporte aucun élément chiffré.
La solution au problème de surpopulation ne doit-elle pas avant tout passer par la lutte contre la récidive ?
Si, et justement le développement des peines en milieu ouvert sont les formes de sanctions les plus propices pour la prévention de la récidive. Elles permettent d’agir plus efficacement sur les facteurs de passage à l’acte, de gestion de colère, ou d’addictions. Mais cela nécessite aussi qu’il y ait des conseillers d’insertion et de probation qui puissent avoir le temps d’assurer une bonne prise en charge, et que cela ne consiste pas simplement à une opération de pointage. La prison est un milieu violent et désocialisant où la prise en charge des addictions n’est pas très performante.
La Garde des Sceaux entend renforcer le travail en prison, est-ce suffisant dans le cadre de la réinsertion ?
La ré-intégration sur le marché du travail est encore plus compliquée par le fait de posséder un casier judiciaire. Pour l’instant, en détention, le travail est essentiellement de nature occupationnelle sans aucun véritable statut juridique. Cela permet d’occuper les détenus, de leur donner un tout peu de revenus, mais l’on ne pense pas le travail en termes d’acquisition de compétences. Il y a une vraie réflexion à mener sur la finalité du travail en prison, ainsi que sur les droits des travailleurs détenus. Emmanuel Macron s’était engagé sur l’application du droit du travail en prison. Mais il n’y a pourtant aucun mot sur cette question-là dans le plan de Nicole Belloubet.
Quelle est l’urgence aujourd’hui dans la lutte contre la surpopulation carcérale ?
Il faut avant tout une réforme de la politique pénale, des conditions de jugement. Il faut permettre aux magistrats d’avoir le plus d’éléments possibles sur la situation de la personne concernée afin qu’il puisse prononcer la peine la plus adaptée. Mais pour pouvoir appliquer cela, il faut que les conseillers d’insertion et de probation puissent rencontrer la personne et donc qu’ils aient davantage de moyens humains.
Propos recueillis par Fanny Marlier
{"type":"Banniere-Basse"}