Pour le magazine Die Nacht/La Nuit, sur Arte, la photographe Claudia Imbert filme des joueurs de water-polo. Une plongée fascinante.
Die Nacht/La Nuit, précieux magazine expérimental conçu par Paul Ouazan, prend ce mois-ci une allure solaire. Comme si des trouées de lumière méditerranéenne perforaient le magazine destiné aux somnambules curieux de formes télévisuelles nouvelles.
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La luminosité des images évoque la douceur d’un reflet de soleil sur une eau turquoise. En surgissent des hommes étranges, carrés, musclés, coiffés d’un bonnet rembourré aux oreilles. Ces joueurs de water-polo filmés par la photographe Claudia Imbert paraissent en apesanteur. Ils ne touchent jamais terre et l’eau est la piste sur laquelle ils glissent, le bassin de la piscine est la scène où ils s’agitent comme des forcenés au milieu des remous. Ils doivent sans arrêt sortir la tête de l’eau et faire ainsi la preuve de leur puissance.
S’ils étaient au milieu des océans, ils seraient des baleines tant ils partagent avec elles le sens des allées et venues sous et sur l’eau, tant leurs corps massifs semblent jaillir de l’écume par à-coups violents.
Regarder un match de water-polo convoque chez le spectateur une grande part d’imaginaire : le hors-champ de l’action immergée compte autant que sa part émergée. Claudia Imbert prend acte du mystère quasi cinématographique des gestes du water-polo en s’attelant à les décomposer méthodiquement.
Dans son splendide travail photographique sur les poloïstes (visible sur son site), elle avait déjà fixé chaque instant de leurs mouvements – les bras forts et délicats jaillissant de l’eau vers le ciel, le torse élancé, le regard concentré sur le ballon –, les captant dans un cadre large, apaisé. La dimension picturale qu’elle donne à ses portraits se retrouve dans les images en mouvement de cette Nuit aquatique.
Claudia Imbert reproduit à l’écran son propre système esthétique : cinéma et photographie s’assemblent comme la main et le pied des poloïstes qu’elle filme sous tous les angles. En contreplongée, sa caméra révèle la puissance de leurs jambes ; en plongée, elle révèle la beauté d’un jeu extrêmement physique et stratégique.
Un peu comme Douglas Gordon et Philippe Parreno s’étaient concentrés sur le corps de Zidane pendant un match (Zidane, un portrait du XXIe siècle), Claudia Imbert porte un regard “maniaque” sur ces corps sportifs plongés dans des volumes d’eau frémissante.
Cadrage rigoureux, harmonie des couleurs, correspondances entre le monde extérieur et le huis clos de la piscine, mise en scène virevoltante de corps à corps, sonorité de l’eau et voix noyées : la photographe fait d’un match de water-polo le lieu d’un spectacle magnifique et affolant. Dans La Nuit de Claudia Imbert, les chasseurs plongent dans des abysses d’énergie fascinante.
Die Nacht/La Nuit Mardi 27, 00h05, Arte.
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