Une photographie de Jean-Baptiste Cordier, candidat FN dans le canton de Soulaines, en compagnie de néonazis opérant un salut hitlérien, vient de sortir sur un blog antifasciste. Ce cliché allonge l’encombrante liste des candidats sulfureux et interroge la stratégie peu maîtrisée du parti d’extrême droite qui, semble-t-il, a présenté aux cantonales nombre de candidats choisis à la va-vite.
Le Front national croyait pouvoir souffler un peu depuis mardi. Le 19 avril, la commission des conflits du parti a exclu de ses rangs l’embarassant Alexandre Gabriac, ex-candidat aux cantonales à Grenoble et conseiller régional Rhône-Alpes, apparu en mars dernier sur une photo – révélée par le Nouvel Obs – en train d’effectuer le salut hitlérien devant un drapeau nazi.
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Alors que Bruno Gollnisch s’est dit hier « extrêmement étonné que Marine Le Pen ait pu prendre cette décision alors qu’elle se trouve à 10 000 km de là, en vacances en Thaïlande », voilà que Fafwatch débarque.
Nommé ainsi en référence au copwatching, pratique consistant à publier des données (photo, vidéos, écrits…) sur les policiers, le blog désire faire de même avec les « fafs » – ou fachos – et l’extrême droite en général. Pour son entrée en matière, Fafwatch a publié, le 16 avril, les photos pour le moins gênantes d’un autre jeune candidat FN aux cantonales.
Le maire de Soulaines reconnaît Jean-Baptiste Cordier sur la photo
Injoignable (sur son portable, fixe et compte Facebook) depuis hier, Jean-Baptiste Cordier, 21 ans, candidat FN du canton de Soulaines, dans l’Aube (10), apparaît sur deux photos en compagnie de crânes rasés. Sur l’une d’elles, quelques uns de ses coreligionnaires effectuent tout sourire des saluts nazis.
Philippe Dallemagne, maire de Soulaines et vainqueur des cantonales, reconnaît Jean-Baptiste Cordier sur la photo. Il précise : « Ce ne sont pas mes idées, mais chacun est libre de penser ce qu’il veut. » Une autre personne travaillant dans le canton de Soulaines et ayant déjà rencontré le candidat de visu nous confirme également qu’il s’agit bien de lui sur le cliché.
Contacté par les Inrocks, un antifasciste à l’origine de l’affaire, explique avoir mis la main sur les photos via différents amis Facebook du jeune homme l’ayant tagué (identifié) à plusieurs reprises. Bruno Subtil, conseiller municipal de Troyes depuis 1995 et président du groupe FN au Conseil régional de Champagne-Ardenne, a indiqué aux Inrocks « connaître nos méthodes » et a refusé toute explication.
[attachment id=298]Cliché amateur de Jean-Baptiste Cordier pendant la campagne des cantonales.
Le 5 février, un article de l’Est éclair, quotidien régional de l’Aube, intitulé « Soulaines : le canton où le FN a du mal à recruter », expliquait que, faute de candidat disponible, Jean-Baptiste Cordier, fils du maire de Chaumesnil, avait été choisi par le parti au dernier moment (exactement dix jours avant la date de dépôt des candidatures du 14 février). L’article précisait que cette difficulté à trouver un candidat était paradoxale étant donné que « ce canton est celui qui remporte le plus de suffrages (FN) lors des élections« . Jean-Baptiste Cordier a terminé second de l’élection, derrière un candidat divers droites, en récoltant 22% des voix.
Des candidats à tout prix
Après la photographie de Marine Le Pen entourée de deux néonazis, le problème n’est pas tant d’effectuer un concours de clichés des candidats FN les plus sulfureux, que de s’interroger sur la stratégie employée par le FN pour arriver au score des cantonales qui fut le sien (11,73% des suffrages exprimés au second tour).
Un article du Post.fr intitulé Cantonales : ces « candidats fantômes » du FN de Marine Le Pen tentait – pendant l’entre deux tours des cantonales – de décrypter l’envers de la stratégie du parti d’extrême droite. On découvrait des points communs entre de nombreux candidats choisis à la va-vite. Certains ne réalisaient aucune campagne de terrain, la photo de « Marine » apparaissait souvent sur les affiches électorales en lieu et place du candidat et ultime caractéristique, jeune ou vieux, ils se présentaient à une élection pour la première fois.
Un candidat FN de 93 ans, qualifié alors de « candidat fantôme » par la secrétaire d’Etat Nadine Morano, « aurait annoncé ne pas quitter sa maison de retraite s’il était élu ». Doyen de ces cantonales, il a été présenté par le FN sur le canton de Blâmont (Meurthe-et-Moselle). Le vieil homme ne s’était jamais présenté à une élection, il a été éliminé dès le premier tour. Le FN justifiait auprès du Post.fr le recours à ce type de candidats pour des raisons principalement financières.
« Le FN est un parti pauvre qui n’a pas d’argent. Le parti a donc fourni aux candidats aux cantonales des tracts avec une photo de Marine Le Pen car cela aurait coûté beaucoup trop cher de faire des affiches personnalisées », expliquait ainsi à nos confrères le responsable de la communication du parti frontiste.
Impossible de mesurer la contribution globale de ces candidats à la poussée nationale du FN. En revanche, un article publié le 21 mars par La Tribune analysait « le vrai score du FN aux cantonales« . Le journaliste rappelait que le FN n’avait pu présenter des candidats que dans 1400 cantons, représentant 80% du corps électoral. Par conséquent, le cumul de ses voix au plan national a mécaniquement diminué le score du FN au premier tour. Selon un sondage de l’institut Viavoice évoqué par La Tribune, partout où le FN disposait de candidats, son score moyen était au premier tour de 19% au lieu des 15,2% obtenus après « dilution » du score national (avec les cantons sans candidat).
On comprend dès lors que l’enjeu pré-electoral du FN ait été de présenter un maximum de candidats. Dans ces conditions, pas étonnant de découvrir, au fil du temps, des casseroles à ces prête-noms locaux. Sulfureux ou non, ils ont servi une stratégie sous-Marine de dédiabolisation par le nombre pas vraiment maitrisée. A quand le prochain ?
Geoffrey Le Guilcher
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