Dans un article du Monde, Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’EHESS, revient sur la montée du jihadisme en Europe. “La menace et le danger de cette nouvelle entité ont été constamment sous-estimés avant les attentats meurtriers du 13 novembre”, affirme le chercheur. Selon lui, pour éradiquer la menace djihadiste en Europe – beaucoup plus importante que ne l’a été […]
Dans un article du Monde, Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’EHESS, revient sur la montée du jihadisme en Europe.
« La menace et le danger de cette nouvelle entité ont été constamment sous-estimés avant les attentats meurtriers du 13 novembre », affirme le chercheur. Selon lui, pour éradiquer la menace djihadiste en Europe – beaucoup plus importante que ne l’a été celle d’Al-Qaïda –, il faut s’attaquer directement à son noyau, sur le sol syrien et irakien. Commandités par Daesh et exécutés par des Français et Belges, les attentats du 13 novembre ont montré la présence du jihadisme en Europe. Mais si ces – jeunes – terroristes ont encore frappé, c’est qu’ils ont développé une profonde haine de tout ce que représente la société européenne.
Une haine de la société
Majoritairement originaires des quartiers pauvres et de milieux modestes, les terroristes sont « animés d’une haine inextinguible contre cette Europe qui les a vus naître et les a plus ou moins mal éduqués », selon le spécialiste. Laissés pour compte, les jeunes de banlieue peuvent se tourner vers l’extrémisme, et entendent se venger d’une société par laquelle ils se sentent rejetés. Cette haine est selon le chercheur « sacralisée sous l’expression fourre-tout du jihad, pervertie et désormais sans contenu religieux stricto sensu, tel un signifiant vide ». Par le jihadisme, ces jeunes incarnent « le néomartyre », mort sacrée dans le délire de la subjectivation, et la « néo-umma », une communauté effervescente qui n’a jamais historiquement existé et que les jeunes désarçonnés de l’Europe cherchent à réaliser comme remède à leur malaise identitaire ». Des jeunes si perdus qu’ils finissent par se tourner vers le jihadisme.
Une Europe pas assez unie contre le terrorisme?
En ayant ciblé Paris, c’est bien sûr toute la France qui a été visée, mais aussi l’Europe. Cette haine « ne connaît plus de frontière nationale, prenant pour cible tous les Européens (les musulmans inclus) dans cette volonté de punir qui est la revanche des jeunes déclassés », ajoute t-il. Le chercheur insiste sur le fait que les services de renseignement et la police sont armés pour lutter contre quelques centaines de djihadistes, mais pas assez contre des milliers de potentiels terroristes. Farhad Khosrokhavar va jusqu’à dire que les terroristes du 13 novembre sont: « dans un sens pervers, plus européens que les Européens : ils réalisent l’Union européenne des jihadistes là où l’Europe peine à se doter d’une police et d’un service de renseignement unifiés ». Une Europe non unifiée dans la lutte contre le terrorisme, du moins pas assez. Car en effet, on constate qu’il s’agit de réseaux bien organisés, au delà des frontières de notre propre pays.
De plus, la France, pays qui abrite la plus importante communauté musulmane en Europe, serait une cible privilégiée pour les jihadistes: en plus d’être le pays des Droits de l’homme, elle serait vue comme « la terre de l’idéologie antireligieuse », par beaucoup de radicalisés, ainsi que « la terre de l’ambition politique ». Farhad Khosrokhavar ajoute que contrairement à la France, l’Allemagne est dénuée de politique active au Moyen-Orient, et donc pour le moment « laissée tranquille ».
L’Europe, si elle veut lutter efficacement contre cette « Europe du jihadisme », doit s’unir davantage et travailler de façon plus coordonnée.