Paris possède sa première distillerie autorisée depuis cent ans.
Des bonnes odeurs accueillent les visiteurs de la cour pavée du Xe arrondissement qui abrite la Distillerie de Paris. Ici l’atelier de boulangerie, là la chocolaterie : la famille Julhès, créatrice de plusieurs épiceries fines à Paris, possède ses propres ateliers de fabrication et depuis peu sa distillerie.
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Nicolas Julhès, la petite quarantaine, en est à l’origine. Volubile et enthousiaste, il a mis quatre ans à obtenir les autorisations : “J’ai toujours été passionné par les spiritueux, je ne passe pas un jour sans compiler les informations, lire des livres sur le sujet et sans en goûter !” On comprend aisément que le magnifique monstre en acier qu’est l’alambic Holstein fabriqué sur mesure puisse le subjuguer. Dans l’atelier qui l’abrite, Nicolas règne tel un capitaine dans la salle des machines d’un navire :
“Je suis fasciné par cette machine vivante qui ronfle, comme l’a décrite Zola dans L’Assommoir. La distillation fait rêver, c’est une réalité incroyable et éphémère.”
Une grande liberté de création
Il produit du whisky, du gin, du rhum et de la vodka. Pour obtenir la bonne recette, tout est une question de réglages, de température et de temps. L’alcool de base est chauffé dans la cuve d’où s’évaporent d’abord les mauvaises notes de têtes (le méthanol qui rend fou et aveugle) que l’on jette, puis le “cœur”, alcool pur que l’on garde, et enfin “les queues”, alcools moins bons que l’on conserve pour la prochaine distillation. C’est le “non-alcool” qui donne en fait le goût. Le gin, par exemple, est surtout aromatisé avec des genièvres mais peut l’être aussi avec d’autres épices et aromates (comme ici des citrons bergamote incroyables). L’alcool sort de l’alambic à environ 75 degrés et est ensuite “réduit” avec de l’eau, puis conservé en dame-jeanne (grosse bonbonne en verre) ou en barrique en bois pour la maturation.
Grace à sa micro distillerie, Nicolas possède une grande liberté de création : “La petite production nous permet d’explorer vraiment un univers.” Mais réussir à obtenir les autorisations est un parcours du combattant à Paris. Les distilleries y sont interdites depuis cent ans à cause de leur dangerosité (explosion) et des risques sanitaires liés à l’alcool frelaté. Cela n’a pas découragé Nicolas qui ne se voyait pas créer sa distillerie ailleurs que dans la capitale. “Paris est l’un des meilleurs endroits au monde pour créer, il brasse de multiples nationalités ou courants artistiques, et est influencé par l’architecture, le design, l’art, la gastronomie : Paris est une terre de création.”
Zazie Tavitian
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