Le Snetaa, syndicat majoritaire dans l’enseignement professionnel, est sur le point d’imploser après le dépôt d’une plainte pour abus de confiance contre ses dirigeants.
Jusqu’ici, tout allait bien pour le Snetaa (Syndicat national de l’enseignement technique, action, autonome), majoritaire chez les professeurs de lycée professionnel. Aux dernières élections (décembre 2008), il a obtenu 30% des voix. Mais une plainte pour abus de confiance vient d’être déposée par certains membres contre le secrétariat national.
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Grâce à leur décharge syndicale, les responsables nationaux touchent leur rémunération d’enseignant, versée par l’Education nationale, en se consacrant à plein temps à leurs activités militantes. Le syndicat rembourse par ailleurs leurs frais (déplacements, restaurants, etc.) sur justificatifs. Les responsables nationaux bénéficient d’ailleurs de certains avantages, avec des voyages réguliers dans les DOM-TOM, en classe affaires, pour visiter les sections locales.
Le problème vient d’une prime supplémentaire, fixe, de 1200 à 1800 euros par mois et par personne, versée à plusieurs membres du secrétariat national. Estimant que rien ne justifie ce « cadeau » prélevé sur les cotisations des adhérents, des membres et ex-membres du Snetaa ont porté plainte pour abus de confiance le 15 avril.
Dénégations et explications
Les débats internes sur le bien-fondé de ces primes ont éclaté en mai 2009, à l’initiative de Laurent Piau. Ce prof de comptabilité, membre du Snetaa depuis 1996 et « juriste » désigné du syndicat, dénonce ces pratiques lors d’un congrès. Le numéro 2 du syndicat, Pascal Vivier, affirme alors ne « rien percevoir d’autre » que son traitement de fonctionnaire. Prié de quitter ses fonctions de juriste, Laurent Piau envoie une lettre aux 7000 adhérents.
En septembre, la direction finit par admettre que « toutes les personnes du siège – soit 25 à 30 personnes – touchent une indemnité forfaitaire de défraiement : 200 euros par mois pour les conseillers techniques et 1250 euros pour les secrétaires nationaux, auxquels s’ajoutent des indemnités de 400 euros pour les responsabilités supplémentaires dévolues à l’adjoint au secrétaire général, au trésorier national et au secrétaire général ».
Pascal Vivier, numéro 2 du syndicat, explique alors que cette indemnité forfaitaire vise à compenser « des dépenses de téléphone, des déplacements, les frais de représentation, les heures supplémentaires, les astreintes pendant le weekend et les vacances, le coût de la vie à Paris, les responsabilités… », comme il l’a confié à l’agence de presse AEF.
Double souci : les dépenses de téléphone, les déplacements et les frais divers sont déjà remboursés sur justificatif, comme le prouve la comptabilité du syndicat. Ne reste que les « heures supplémentaires » et les « astreintes », qui, si elles correspondent à du temps de travail, doivent être soumises à cotisations sociales. Or ce n’est pas le cas.
Au bord de la scission
L’affaire commence à faire des remous. Au débat sur ces primes s’ajoutent des désaccords politiques, et en octobre six secrétaires académiques décident de fonder une nouvelle tendance au sein du Snetaa, qui recueille un tiers des voix lors d’un vote interne.
A cause de certains articles publiés sur son blog, mettant en cause la probité des secrétaires nationaux, Laurent Piau est attaqué en diffamation. L’audience du 16 mars donne lieu à des passes d’armes épiques entre la direction du Snetaa, le juge et Laurent Piau, qui réussit à tourner le procès à son avantage. Christian Lage, le secrétaire général du Snetaa, se défend tant bien que mal, invoquant une longue mise à niveau des pratiques.
« En disant que vous voulez faire un effort de transparence et de conformité à l’évolution de la législation, vous admettez que les pratiques sont douteuses », rétorque le président du tribunal. « Les défraiements existaient avant moi », tente le secrétaire général. Il parle de « compensation par rapport à l’activité », « en fonction des frais engagés, des astreintes… ». « Le tribunal cherche à comprendre mais il est un peu perdu », conclut le président.
Alertés par les informations relatives à des dérives financières, les adhérents de La Réunion ont souhaité aborder la question le 6 avril lors de leur congrès sur l’île, auquel assistait le trésorier national du Snetaa, Stanislas Vallée. Petit résumé des échanges :
– Le trésorier : « Les indemnités ne sont pas déclarées et c’est pourquoi on veut que cela soit cadré par un avocat pour qu’elles le deviennent ».
– Michel Paumier (secrétaire académique) : « Christian Lage a-t-il accès à la carte bancaire du Snetaa ? »
– Le trésorier : « C’est une question de police ? Je ne suis pas dans un commissariat ». Un peu plus tard : « oui il l’a, tout comme le trésorier, mais il s’en sert très peu ».
Pourtant, la comptabilité du syndicat révèle que Christian Lage utilise très régulièrement la carte bleue du syndicat. A la suite de la réunion dont nous citons des extraits, la section de La Réunion a refusé d’approuver le budget national et fait voter une motion demandant le remboursement des sommes utilisées indûment par le secrétariat national. Depuis, le responsable local, Michel Paumier, est suspendu par le Snetaa.
Dans un communiqué daté du 28 avril, les branches dissidentes du Snetaa « dénoncent les graves dérives financières de la direction nationale », alors que le syndicat accuse un déficit de 492437 euros sur trois ans. Dix ex-secrétaires académiques demandent le remboursement des sommes et la démission du secrétariat national. Ce vendredi, elles organisaient une manifestation devant les locaux parisiens du Snetaa, dans le 15e arrondissement.
Interrogé par l’AFP, le secrétaire général Christian Lage affirme que ces accusations ne reposent sur aucun élément de « véracité ». « On fait un amalgame volontaire, par rapport à des données comptables, en mélangeant les défraiements forfaitaires et d’autres choses », a-t-il dit.
Mise à jour 30/04/10 à 16h30 : Les ex-secrétaires académiques du Snetaa se sont réunis devant le siège pour protester contre les « dérives financières » qu’ils imputent au secrétariat national. Arborant des pancartes « Touche pas à mon fric » et « qu’as-tu fait de l’argent des adhérents? », ils ont lu une déclaration qui déplorait le « refus d’explication » du secrétariat national sur les sommes perçues. Le secrétaire général, Christian Lage, est descendu dans la cour pour dresser un constat d’huissier. Il dit « réprouver » cette manifestation, « dans un lieu privé, ce qui n’est absolument pas tolérable ». Il dénonce une « logique de déstabilisation et de harcèlement » qui le « handicape dans ses négociations avec le ministre » et se dit « serein » sur la plainte pour abus de confiance.
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