Le street artiste niçois Toolate dénonce une nouvelle forme pollution à travers à son projet Voici l’œuvre d’un connard. Une exposition à voir dans les rues de Paris et dont il explique les enjeux aux Inrockuptibles.
Après avoir changé en octobre dernier les étiquettes de 200 bouteilles Coca-Cola pour alerter les consommateurs sur les déchets plastiques, le street artiste niçois Toolate a décidé de s’en prendre aux pollueurs ordinaires, de ceux qui se délestent nonchalamment de leur masque chirurgical dans la nature, parfois même à quelques centimètres d’une poubelle. “Pour les confinés, et ce, jusqu’au 1 er décembre, venez découvrir 50 œuvres uniques dans les rues de Paris. Merci aux connards pour leurs contributions, sans qui ces 50 masques trouvés par terre n’auraient jamais pu être exposés”, lâche-t-il dans un post Instagram datant du 14 novembre. Le street-artiste a émaillé la capitale d’une cinquantaine d’œuvres d’art : des masques encadrés avec pour titre “Voici l’œuvre d’un connard”.
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Des masques à usage unique
“C’est en voyant tous ces masques au sol que j’ai eu cette idée, il y a quelques jours, et j’ai voulu mettre en place l’action rapidement. Ce genre de sujet n’attend pas. D’autre part, comme les musées sont fermés actuellement, je me suis dit que c’était le moment d’amener l’art dans les rues tout en sensibilisant les gens à ce fléau écologique”, raconte aux Inrockuptibles l’artiste. Au total, Toolate a placé 50 tableaux signés et numérotés dans Paris, du côté de la très passante place de la République jusqu’au cossu XVIe arrondissement. Démontrant ainsi que les pollueurs sont partout, même dans les quartiers chics. Certains masques ont déjà été retirés par la mairie de Paris, d’autres ont été récupérés par des passant·es : “Tant mieux si des gens veulent conserver un mauvais souvenir de ce virus dans leur salon”, ironise-t-il.
C’est en observant le nombre croissant de masques jetés au sol que l’artiste a décidé de se pencher sur la question. “Ça m’a beaucoup interpellé et en me renseignant, j’ai appris que la France avait commandé 2 milliards de masques en Chine, et qu’un masque met 450 ans à se désagréger. Ils ont aussi beaucoup de chances de finir dans les océans. J’ai beaucoup réfléchi au moyen de traiter ce sujet et c’est alors que j’ai eu l’idée d’immortaliser ce geste, qui manque de civisme, en l’encadrant comme une œuvre d’art. Evidemment, je suis conscient que ce n’est malheureusement pas le seul objet polluant. Il y aurait beaucoup de choses à encadrer : les mégots, les chewing-gums, les bouteilles en plastique, mais j’ai jeté mon dévolu sur les masques, puisque ces objets ont récemment intégré notre quotidien et qu’ils demandent une attention toute particulière. Tout le monde est concerné car tout le monde doit porter des masques.”
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“L’Homme est un loup pour l’Homme”
Toolate regrette que l’écologie soit un sujet souvent relégué après les autres. “C’est normal que les gens veuillent se protéger du virus, et si cette pandémie, je l’espère, prendra fin un jour, en revanche, les masques seront toujours là. De façon globale, l’écologie est toujours un sujet qui arrive bien longtemps après. C’est le propre de l’homme : se poser les questions quand il est déjà trop tard. C’est d’ailleurs le fil conducteur de tous mes travaux et c’est pour ça que j’ai choisi ce nom d’artiste.”
Avec cette exposition éphémère, Toolate espère sensibiliser les consommateur·rices à l’écologie et à la pollution en leur démontrant qu’ils et elles sont au cœur du problème. “L’écologie est un domaine qui m’inspire car l’humanité a encore beaucoup de travail à faire à ce sujet. Mais mon but premier est avant tout, de pointer du doigt la connerie humaine. ‘L’Homme est un loup pour l’Homme’, finalement, nous sommes les seuls coupables de notre propre malheur. Je pense qu’on est dans une société individualiste, où un connard peut se permettre de jeter son masque par terre sans se soucier de ce qu’il va devenir. J’ai lu des commentaires disant : ‘Oui, mais il est peut-être tombé sans faire exprès ?’ Bizarrement, je n’ai jamais trouvé de billets de 50 euros au sol. Ça prouve qu’on perd bien ce qu’on a envie de perdre.” A bon entendeur…
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