Pour Emmanuel Berreta, les films qui font moins de 50000 entrées sont des nanards. Une analyse d’une rare finesse qui a déplu à Jean-Baptiste Morain.
Sur le site de l’hebdomadaire le Point, le spécialiste maison des questions médias, Emmanuel Berretta, flingue méchamment deux sages du CSA qui exigent, comme condition au rachat de la chaîne de télévision Direct 8 par Canal +, que cette dernière s’engage à y diffuser « 24 films dans l’année ayant réalisé moins de 50 000 entrées ». Manu le justicier s’emporte :
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« Autrement dit : Direct 8 se verrait obliger de diffuser 24 « nanards »… C’est ce qu’on appelle la « diversité ». Quel est l’intérêt pour les téléspectateurs ? On a beau chercher, on ne voit pas… On veut imposer aux téléspectateurs des films qui ont déjà fait l’objet d’un rejet du public dans les salles obscures ».
Ce qui est bien, avec les neuneus, c’est qu’ils ne changent jamais. En 2012, lire dans un hebdo français bénéficiant à tort ou à raison d’une certaine notoriété (certes, il est dirigé par le pauvre Franz-Olivier Giesbert), qu’un film qui a fait moins de 50 000 entrées est un « nanard » et qu’il a été « rejeté » par le public, témoigne d’une bêtise affligeante, prouvant s’il en était encore besoin qu’on peut être un spécialiste des médias et un ignorant total en matière de cinéma. Pourquoi ?
Primo, si tous les films naissent libres et égaux en droits d’un point de vue esthétique (un blockbuster peut être un chef d’œuvre et un film fauché une grosse daube, et vice versa), il n’en est pas de même du point de vue économique. Un film, même génial, distribué sur 4 salles sans grands moyens publicitaires, n’aura jamais la chance d’atteindre les sommets au box-office d’une comédie larmoyante sur l’amitié entre un riche blanc et un pauvre noir diffusée sur des centaines de copies avec campagne de promotion fracassante à l’appui. Tout simplement, aussi, ce n’est pas une nouveauté, parce que les films dits « difficiles » (il faudrait encore prouver qu’ils le sont) attirent bien évidemment toujours moins de monde que la facilité.
Secundo et enfin et surtout, il est affligeant de se voir contraint de répéter pour la énième fois que le succès public d’une œuvre ne garantit en rien sa qualité. Faut-il encore rappeler les chiffres de ventes des recueils de Rimbaud ou des tableaux de Van Gogh de leur vivant ? Rabâcher toute sa vie des évidences, des faits ? En est-on encore là ?
Pour conclure, nous rappellerons simplement à nos chers lecteurs que dans notre palmarès 2011 figuraient des films magnifiques n’ayant pas dépassé (ou si peu) les 50 000 entrées : L’étrange affaire Angelica de Manoel de Oliveira, Ah ah ah de Hong Sang-soo, La dernière piste de Kelly Reichardt, La dernière séance de Laurent Achard, Essential killing de Jerzy Skolimowski, Hors Satan de Bruno Dumont, Mafrouza d’Emmanuelle Demoris, Comment savoir de James L. Brooks, Qu’ils repartent en révolte de Sylvain Georges, etc.
Ces films-là et leurs auteurs, nous le clamons haut et fort, font partie du haut du panier du cinéma contemporain. Qu’ils nous viennent de pays différents nous comble d’aise. C’est cela, oui, la diversité du cinéma, et c’est tant mieux. Comme l’écrirait sans doute Emmanuel Berretta avec cet art du cliché qui le caractérise, « la postérité jugera ».
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