A quelques jours du sommet du G8 à Deauville, les 26 et 27 mai, le ministère de l’Intérieur a mis en place un dispositif de fichage des habitants qui irrite la Cnil.
A Deauville, flicage intégral de la forteresse ! Pendant la réunion des chefs d’Etat du G8, pas question pour les autorités de se laisser déborder par un black bloc, un manifestant canaillou ou de risquer un attentat. Les mesures de sécurité annoncées étaient déjà pharaoniques : surveillance des trains au départ de Saint-Lazare, défense aérienne, zone d’exclusion maritime, pans entiers de la ville contrôlés par la police.
Un arrêté du ministère de l’Intérieur paru ce mardi au Journal officiel met en place un nouveau dispositif, utilisable pour Deauville et pour les autres “événements majeurs” à venir : les “fichiers de résidents des zones de sécurité”.
Vos papiers s’il vous plaît
En amont de l’événement, les habitants des quartiers bouclés et ceux qui y travaillent devront transmettre à la police leurs noms, prénoms, dates et lieux de naissance, adresse, email, numéro de téléphone, numéro de carte d’identité, dates et heures d’entrée et de sortie de la zone et raisons de le faire.
Trois fois rien quoi. Les informations utiles sur les véhicules (plaque, modèle, couleur) devront également être fournies. En conséquence, ils recevront un badge-sésame fabriqué par un prestataire privé du ministère de l’Intérieur et distribué dans les semaines précédant l’événement, à montrer aux forces de l’ordre pour se déplacer (en toute liberté). Les sans-badge resteront dehors.
L’arrêté précise que les données personnelles seront “conservées pendant un délai de trois mois à compter de la fin de l’événement”. Premier couac : dans son avis – obligatoire mais non contraignant – du 28 avril sur le projet d’arrêté, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) trouvait ce délai un peu fort de café :
“La commission rappelle qu’elle s’est montrée particulièrement attentive à ce que les fichiers de résidents dont elle a eu précédemment à connaître, qui constituent des “fichiers de population” soient détruits à bref délai.”
Dans son commentaire de l’arrêté, la Cnil écrit que les “zones de sécurité“ visent à interdire “notamment aux éventuels manifestants violents de se rapprocher du lieu du sommet et de perturber le déroulement de l’événement”.
Elle prend comme exemple deux fichiers de résidents examinés par ses soins : pour le G8 d’Evian, en 2003, et pour le sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009. Dans les deux cas, les fichiers avaient été détruits trois jours après la fin de l’événement. Fi de la Cnil, le ministère à tranché : ce sera trois mois.
Ce n’est pas le seul hic soulevé par la Cnil et snobé par Claude Guéant. Si l’arrêté parle de mettre en place ces fichiers pour tout “événement majeur”, il ne précise pas sa définition malgré la demande de la Cnil. Celle-ci remarque qu’on parle d’habitude “explicitement de sommets internationaux” réunissant des chefs d’Etat et qu’élargir le dispositif à d’autres rassemblements semble exagéré.
Elle s’étonne aussi que les nouveaux fichiers de résidents prennent en compte les mineurs de moins de 13 ans, une pratique jusqu’alors inédite et “disproportionnée”.
Bon G8 à tous.
Camille Polloni