L’odyssée d’un geek surdoué qui, à la tête de la première entreprise à convertir des bitcoins, finit par en faire disparaître 850 000…
Tokyo, 1er août 2015. Le téléphone de Mark Karpelès se met à sonner en pleine nuit. La police le prévient : dans vingt minutes, ils seront là pour l’arrêter. “Prenez votre temps, histoire que je me douche”, rétorque, bravache, le pdg de Mt. Gox, l’une des plus grosses sociétés de bitcoin de l’époque.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Casquette bicolore sur la tête, il se laisse emmener par la police sans résister. Ce développeur français, tout juste trentenaire à l’époque, sait ce qui lui est reproché : la perte de 800 000 bitcoins. Un pactole qui s’est volatilisé en laissant plus d’un million d’investisseurs furieux, parfois dépouillés de toutes leurs économies.
https://www.youtube.com/watch?v=GIQcXZwxcY0
Dans cette histoire, Mark Karpelès est-il un splendide arnaqueur ou un geek victime d’une escroquerie qui le dépasse ? Pour le déterminer, les journalistes Vincent Gonon et Xavier Sayanoff remontent dans leur documentaire à l’année 2011, lorsque le “baron du bitcoin” rachète Mt. Gox à un obscur développeur américain.
Inadapté socialement, on le dit doté d’un QI de 190
A l’époque, cette monnaie virtuelle est réputée pour être un passe-temps de geek. Un sport d’amateur qui vient s’inscrire dans un contexte de crise financière et reflète un désir d’indépendance. Celui de rendre le contrôle de l’économie au peuple. Mark Karpelès est attiré par ce défi.
Après une enfance tranquille à Dijon, ce passionné de culture nippone abandonne son prénom, Robert, pour Mark. Génie de l’informatique, taciturne, on le dit doté d’un QI de 190. “Je connais moins bien Mark que Robert. Robert c’est le petit garçon que j’ai élevé”, confesse sa mère, Anne Karpelès. En 2009, après un passage en Israël, il s’établit définitivement à Tokyo.
Décrit comme “inadapté socialement”, il rachète Mt. Gox en 2011. A l’époque, c’est le premier site internet à échanger de l’argent contre des bitcoins. Le montant d’un bitcoin équivaut alors à un dollar. Les médias s’emparent du sujet et les clients affluent.
La monnaie virtuelle s’envole, passant à 1,20 dollar en avril, 30 dollars en juin et 100 dollars en mai 2013… Jasmine Meichsner, ancienne employée, raconte : “La croissance a été fulgurante. Mark y croyait, il était toujours derrière son ordinateur, tard le soir et tôt le matin. Mt. Gox était un peu son bébé.”
Une croissance aussi fulgurante que flippante
La boîte détient alors 98 % du marché mondial du bitcoin. La plate-forme Silk Road, véritable eBay de la drogue dont les produits sont payables en bitcoins, devient son principal levier de revenus. Héroïne, opium, cannabis, cocaïne, ecstasy, psychotropes, tout y passe dans un large flou juridique. Face à cette spectaculaire expansion, les entreprises de la Silicon Valley investissent et le bitcoin devient soudainement hype.
Plus vive est l’ascension, plus dure est la chute. Au-delà des soucis juridiques, les employés sont désorientés face à la croissance fulgurante de leur entreprise. Ils redoutent le moment où tout va s’effondrer. Alors que Mt. Gox prépare son lancement aux Etats-Unis, les autorités américaines saisissent l’équivalent de cinq millions de dollars car la société ne s’était pas déclarée organisme de transfert de fonds aux Etats-Unis, une formalité indispensable.
Le début de la fin. Les investisseurs tentent de retirer leurs billes mais n’y parviennent pas. Et pour cause : 850 000 bitcoins ont disparu. La société est contrainte de mettre la clé sous la porte. Le 28 février 2014, lors d’une conférence de presse, Mark Karpelès arbore un air grave. “Je vous présente mes excuses. Le système avait des failles, et les bitcoins ont disparu. Par conséquent, je vous ai causé de graves ennuis.” Il cherche ses mots et finit par fondre en larmes.
Quelques mois d’enquête plus tard, Mark Karpelès est arrêté. Le programmeur refuse de livrer des aveux et d’obtenir un arrangement avec la justice nippone. L’enquête s’enlise, d’autres suspects sont évoqués. En juillet 2016, il est libéré sous caution. Sans être jamais vraiment libre puisqu’il vit sous l’obligation d’informer les autorités à chacun de ses déménagements.
Aujourd’hui encore, la personnalité retorse de celui que l’on surnomme “The wolf of Bitcoin Street” continue d’intriguer les médias. “J’ai développé un certain nombre de méthodes et d’habitudes pour me faire passer pour un humain”, confesse celui qui n’exclut plus la possibilité d’être un atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Son procès est en cours. Et pendant ce temps, au 1er janvier 2018, un bitcoin valait 13 905 dollars… Manon Michel
Bitcoin Big Bang – L’épopée improbable de Mark Karpelès Le 28 février, 21 h, Canal+ et visible en replay sur MyCanal.
{"type":"Banniere-Basse"}