Condamnée à un an de prison avec sursis début 2010 pour extorsion de fonds, la quinqua marseillaise revient dans un livre sur la misère qui l’a poussée à sortir de chez elle avec une arme pour réclamer de l’argent.
On l’imaginerait bien en justicière pétroleuse, dévalisant les petits commerces pour offrir des liasses de billets aux chômeurs en fin de droit. Rose serait parfaite pour le rôle : la cinquantaine qui a vécu, longs cheveux blonds et pull rose, une aumônière en pendentif. L’accent de Marseille ne gâche rien.
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Son histoire est moins romanesque. Fin 2009, Rose reçoit son avis d’expulsion. Ses deux fils, jeunes adultes, vivent dans la précarité, comme elle. Accablée par les dettes, en arrêt maladie depuis deux ans, elle n’en voit pas le bout.
Elle vivote, joue un peu au casino sur Internet, paie les factures quand c’est possible. Un matin, à cinq heures, elle sort un flingue caché sous le canapé et se dirige chez sa buraliste habituelle.
Un braquage, vraiment ? La justice retiendra la tentative d’extorsion de fonds. Rose ne pointe pas l’arme sur la poitrine de la commerçante. Elle se contente, presque en s’excusant, de lui montrer le calibre dans son sac. Lui demande de fermer la porte et s’apprête à lui expliquer qu’elle a besoin d’argent, qu’il faut lui en prêter maintenant, qu’elle remboursera.
Un client s’interpose, fin de l’épisode. Commissariat, tribunal, un an de prison avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve. Elle risquait sept ans de cabane pour ce “suicide social”, selon les mots de son avocat.
Ecrire, “une thérapie”
On l’a appelée “la maman braqueuse” et “la braqueuse par nécessité”. Aujourd’hui, Rose Vicari revient dans un livre sur les dix minutes qui l’ont fait basculer de l’assistante sociale à la justice pénale. Pour ça, elle détaille le chemin accidenté de son existence.
“Une thérapie”, raconte-t-elle doucement au bar d’un hôtel parisien. Si elle respire la révolte contre l’injustice sociale, celle qui lui octroie un salaire de 1200 euros pour un loyer de 500, Rose a un ton posé, sans colère.
“Mon acte était un appel au secours. J’avais peur de ce que pouvait écrire la presse parce que ça donnerait un premier avis au tribunal. En fait, les journalistes se rendent compte que c’est un cri parmi tant d’autres situations similaires.”
L’étiquette “fait de société”, collée par les médias et ses avocats, l’étonne mais lui convient.
“Je la revendique aujourd’hui. Je me suis toujours sentie assez effacée. Sur le coup, je ne croyais pas représenter quelque chose.”
Dans Un début de mois difficile, Rose adresse un poème d’excuses à la commerçante, qui n’a pas porté plainte contre elle. “J’aimerais qu’elle reçoive le livre, pour me connaître un peu mieux, mais j’ai peur qu’elle prenne ça comme un défi.”
Une condamnation après un acte désespéré, des excuses et puis ? Dans un roman, ce serait le début d’autre chose, une renaissance à cinquante ans. Pas là : depuis un an, la situation de Rose ne s’est pas améliorée. Une femme sensible à ses ennuis a réglé sa dette locative, mais sa situation financière a empiré.
Alors qu’elle aurait dû reprendre son poste d’employée de mairie début novembre, l’administration tarde et divise sa rémunération par deux. 600 euros par mois au lieu de 1200. Du coup, Rose Vicari retombe dans l’illégalité, d’une autre façon, pour boucler ses fins de mois.
“J’exerce une activité de voyance par téléphone, de chez moi. Ce n’est pas déclaré à mon administration. On ne se met pas hors la loi par plaisir.”
[attachment id=298]Au bout de presque vingt ans dans l’administration, Rose voudrait faire autre chose. Un truc utile, avec un salaire pour se loger, se nourrir, se vêtir et se soigner. La Déclaration des droits de l’homme ne prévoit pas d’avoir à choisir entre ces propositions. En attendant, la presque-braqueuse ne vote plus, et conseille à tout le monde d’en faire autant. Sa seule crainte : que sa situation ne la pousse, elle ou l’un de ses fils, à commettre une erreur de nouveau.
Camille Polloni
Un début de mois difficile, itinéraire d’une maman braqueuse, Rose-Anne Vicari, Max Milo éditions (16 euros), sortie le 20 janvier
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