Sébastien Roché, directeur de recherche au CNRS, avait critiqué la gestion du maintien de l’ordre durant la crise des Gilets jaunes, et le manque d’indépendance de l’IGPN. Il dénonce une “décision politique”.
Sébastien Roché ne donnera pas de cours à l’Ecole nationale supérieure de la police (ENSP) à la rentrée. Il l’a appris dans un courrier daté du 20 août, raconte Libération. L’école, qui forme les cadres de l’institution, n’a pas souhaité avoir recours à ses services. Pour ce directeur de recherche au CNRS, spécialiste des relations entre police et citoyens, cette décision ne fait pas de mystère. Durant le mouvement des Gilets jaunes, il avait critiqué la gestion du maintien de l’ordre, et le manque de contrôle des agents de police. “L’école reste dans un système dirigé par le ministre de l’Intérieur, je pense que j’ai déplu au prince et que c’est une décision politique”, explique-t-il donc.
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“Refonte des orientations”
William Marion, directeur de l’ENSP, prétexte dans son courrier une “refonte des orientations de certains contenus pédagogiques”. “Un autre intervenant qualifié, en l’occurrence un docteur de la police nationale”, se chargera donc des quinze heures de cours qu’il donnait. Contactée par Libération, l’ENSP a louvoyé pour répondre à la question de l’identité du nouveau professeur. Après avoir déclaré qu’il s’agirait d’un commissaire général, elle s’est rétractée en disant qu’il n’était “pas encore recruté”.
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Surtout, le limogeage de Sébastian Roché interroge, car son sujet d’étude n’a jamais été autant d’actualité, au moment où la police traverse une grave crise de légitimité. La médiatisation des violences policières en témoigne. “La police n’a jamais fait de la confiance de la population la colonne vertébrale de la formation. Ce sont des thèmes qui sont très forts dans le débat public, mais qui ont très peu modifié le système de formation de la police. Mon départ est peut-être aussi l’indication que la relation entre la police et la population n’est pas un sujet très important pour le ministère”, avance ainsi l’intéressé.
“Il y a un ciblage des personnes qui ont un regard critique”
Le chercheur ne mâche pas ses mots sur cette décision, qui témoigne selon lui d’un manque patent de remise en question de la doctrine de maintien de l’ordre, alors qu’elle est contestée non seulement par les citoyens, mais aussi par plusieurs spécialistes. “Il y a eu 115 journalistes blessés pendant les manifestations des Gilets jaunes, des ONG empêchées de travailler, et puis maintenant, ils font un peu de ménage dans la formation. Ce n’est bien sûr pas une situation comparable à une dictature, mais mis bout à bout il y a un ciblage des personnes qui ont un regard critique sur la police. Le ministre de l’Intérieur n’a pas la maturité démocratique pour le débat”, regrette-t-il.
Dans une interview le 26 août sur France 2, Emmanuel Macron avait annoncé “une réflexion profonde sur la manière de s’organiser”, afin que le “calme revienne” et d’“éradiquer la grande violence” observée durant le mouvement des Gilets jaunes. L’éviction de Sébastian Roché semble contradictoire avec cette promesse.
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