Le conducteur filmait ses passagers à leur insu, et diffusait en streaming ses vidéos à des milliers d’internautes.
Que penseriez-vous si vos conversations à l’arrière d’un Uber étaient diffusées en live-stream sur Twitch, si bien que des milliers d’internautes pourraient non seulement commenter vos dires, mais aussi votre physique – en particulier si vous êtes une femme, évidemment ? Nul doute que vous vous sentiriez violé dans votre intimité. C’est pourtant ce qui est arrivé, à leur insu, à des dizaines de passagers de Jason Gargac, 32 ans, chauffeur Uber à Saint-Louis, dans le Missouri.
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Filmés à leur insu et diffusés en live sur internet
D’après un article paru dans le journal local, et cité par le New York Times, celui-ci avait investi 3 000 dollars dans un système assez sophistiqué de caméras, qui filmaient ses passagers et diffusaient le contenu de ses courses sur Twitch. Et, comme on peut s’y attendre, les spectateur de ces trajets ordinaires commentaient de manière salace le physique des clientes, se moquaient, ou tout simplement se satisfaisaient de leur statut de voyeur. Parfois même, les noms et les adresses des passagers étaient divulgués.
Have you taken an Uber or Lyft ride in St. Louis this year? You may have been streamed to an online audience without ever knowing. https://t.co/5EWqokITnE pic.twitter.com/wZunB1XD1L
— St. Louis Post-Dispatch (@stltoday) July 22, 2018
Interrogé dans le journal local ce 22 juillet, M. Gargac explique qu’en dehors de ses courses ordinaires, il cherchait à transporter des passagers originaux, pour rendre le contenu de ses vidéos plus attractif. Grâce à ses live-stream, il dit avoir gagné 3 500 dollars, en dons, pourboires et abonnements à son canal sur Twitch. Au début, il avait pour habitude de prévenir ses clients de sa démarche. Mais le résultat était trop “artificiel” et “calculé”, explique-t-il. C’est pourquoi il a commencé à le faire sans prévenir. Un petit symbole collé sur la vitre du passager indiquait seulement que l’arrière du véhicule était filmé, et qu’en entrant dans la voiture, on acceptait d’être filmé.
“Monétiser les passagers en tant que contenus”
Depuis la parution de cet article dans le journal de Saint-Louis, son attitude est cependant largement décriée, qualifiée d’“horrible” et d’“effrayante”. Uber a réagi le jour même en annonçant suspendre le chauffeur pour “son comportement troublant”, qui “ne correspond pas aux valeurs de notre communauté”. Lyft, autre entreprise de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport, l’a également “désactivé”. “La sécurité et le confort de la communauté Lyft est notre plus grande priorité”, a annoncé l’entreprise.
Interrogée par le New York Times, la chercheuse Alex Rosenblat, qui étudie Uber depuis quatre ans, explique qu’elle constate une augmentation des pratiques d’enregistrement des passagers, sous prétexte d’“assurer leur sécurité” ou d’“attester de la qualité de leurs services”. “Mais ce qu’on observe avec ce chauffeur, c’est un jeu totalement différent. C’est-à-dire: ‘Comment je peux monétiser les passagers en tant que contenus’”, explique-t-elle. Pour se défendre, les passagers qui se sont rendu compte du subterfuge peuvent porter plainte. Mais ils devront prouver que l’arrière d’un Uber est un endroit dans lequel on est en droit d’avoir sa vie privée garantie.
Déjà 4 500 followers…
Twitch a également réagi à ce fait divers, en supprimant les vidéos du chauffeur, et en annonçant que l’entreprise “n’autorise pas des gens à partager et diffuser des contenus qui contreviennent à la vie privée d’autres personnes”. La chaîne Twitch de Jason Gargac avait déjà 4 500 followers, et environ 100 abonnés, qui avaient souscrit pour 5 dollars par mois pour soutenir son initiative…
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