Le président américain a encore fait parler de lui mercredi 3 janvier en affirmant sur Twitter qu’il avait le « plus gros » bouton nucléaire. Une déclaration destinée à Kim Jong-un et toute la Corée du Nord, qui a de quoi inquiéter. Mais le réseau social peut-il bloquer le compte du magnat de l’immobilier ?
Il a encore frappé. Repoussant toujours plus loin les limites du malaise, Donald Trump voulait faire savoir au monde entier que c’est bien lui qui a le plus gros… bouton nucléaire (même s’il s’agit d’une malette plus que d’un bouton). « Le leader nord-coréen Kim Jong-un vient d’affirmer que le ’bouton nucléaire est sur son bureau en permanence’ (…) informez-le que moi aussi j’ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et il fonctionne ! », a-t-il écrit sur Twitter mercredi 3 janvier.
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Un message directement destiné à Kim Jong-un, et toute la Corée du Nord. Or, si les premiers mois (et derniers ?) de la présidence de Donald Trump nous ont presque habitués à ce genre de propos, il n’en demeure pas moins que ce post s’apparente à une forme de menace et d’intimidation. Si le président américain est imprévisible, son homologue coréen peut l’être tout autant. Et cette guerre d’ego pourrait bien mener à un conflit nucléaire.
North Korean Leader Kim Jong Un just stated that the “Nuclear Button is on his desk at all times.” Will someone from his depleted and food starved regime please inform him that I too have a Nuclear Button, but it is a much bigger & more powerful one than his, and my Button works!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 3, 2018
Quelle responsabilité pour Twitter ?
Face à cette éventualité, la responsabilité de Twitter est remise en cause outre-Atlantique, notamment par le très sérieux New York Times : Donald Trump a-t-il enfreint les règles du réseau social ? Faut-il l’empêcher de poster des tweets ? Pour Damien Van Achter, spécialiste des réseaux sociaux et des nouvelles technologies, cela paraît peu probable. « Théoriquement, ils peuvent le faire, ils en ont la possibilité technique. Mais en aucun cas ils ne passeront à l’action, pour une raison simple: c’est le président des États-Unis. Ce serait comme un acte de guerre quelque part, de fermer son compte, alors que des djihadistes, des pédophiles et d’autres criminels notoires continuent de l’utiliser. Les règles d’utilisation de Twitter sont extrêmement permissives, et consacrent la liberté d’expression comme un principe suprême », explique-t-il.
« Les seules circonstances dans lesquels des comptes Twitter ont été suspendus, il s’agissait de cas avérés d’appels au meurtre. (…) Les règles sont à géométrie variable. » Damien Van Achter
Car si le réseau social érige la liberté d’expression en valeur morale absolue, il y a des cas bien précis qui peuvent entraîner une suspension ou une fermeture de compte. « Les seules circonstances dans lesquels des comptes Twitter ont été suspendus, il s’agissait de cas avérés d’appels au meurtre. Même pas de racisme ou d’antisémitisme, puisqu’aux États-Unis, c’est de l’ordre de la liberté d’expression. Les règles sont à géométrie variable. Les autres suppressions de compte se font généralement pour les robots. »
Mais les choses devraient évoluer rapidement pour la plate-forme, qui a déjà retiré quelques organisations suprémacistes blanches et d’autres extrémistes au cours de l’année 2017. « Twitter est un peu obligé de modifier sa façon de fonctionner, notamment en raison des attentats ou de faits d’actualités » (comme Charlottesville, ndlr).
Twitter plus à l’écoute que Facebook
Tandis que pour le réseau social de Mark Zuckerberg, la donne est quelque peu différente. « Facebook négocie avec le gouvernement américain. Ils ont – par exemple – supprimé le compte de Ramzan Kadyrov, [le président de la Tchétchénie – ndlr] après qu’il a été mis sur une liste noire des USA, définie par le secrétaire de la Défense. C’est assez inquiétant – pour ce cas précis –, car Facebook a réagi à ce moment-là en se disant: ‘on supprime le compte de ce gars là, non pas parce que c’est un homophobe notoire et un tyran, mais parce qu’il a été mis sur la liste noire des États-Unis’. Donc les États-Unis décident, et Facebook obtempère », déplore Damien Van Achter.
« Sur Twitter, il n’y pas encore de cas similaires. Mais on n’en est pas très loin. Twitter se bagarre très fort, plus que Facebook d’ailleurs, sur les demandes des Etats pour supprimer des comptes ou livrer des informations par rapport à des profils, notamment les personnes derrières les pseudonymes. Twitter et Google sont beaucoup plus féroces que Facebook là-dessus », constate-t-il. Et ce même s’il est impossible de savoir comment Twitter gère ses délibérations internes sur les plaintes à propos d’un tweet ou d’un compte individuel. « Donald Trump ne bénéficie pas spécialement d’un traitement de faveur particulier de la part de Twitter. La liberté d’expression est vraiment quelque chose de sacrée aux États-Unis. Twitter et Google s’efforcent de respecter ça.”
Des conditions d’utilisation régulièrement mises à jour
Toutefois, les conditions d’utilisation de Twitter ont récemment été mises à jour. Notamment en matière de contenu sexuel et de langage abusif, même si de nombreux internautes en attendent davantage. Publiquement, Twitter reconnaît même que les décisions concernant la surveillance des comptes de personnalités publiques et politiques peuvent être difficiles.
« Ce n’est pas pour rien que toutes les stars du porno utilisent beaucoup plus Twitter que Facebook. » Damien Van Achter
« Le principe de base (de Twitter) est de ne pas ou très peu filtrer par rapport à Facebook. Ce n’est pas pour rien que toutes les stars du porno utilisent beaucoup plus Twitter que Facebook. Que cela pose un problème moral, chacun en décide. Fondamentalement, oui. Mais poser des jugements moraux ou de valeur par rapport à une plate-forme, c’est compliqué, car cela implique qu’elles soient éditrices et qu’elles doivent faire la loi et le ménage dans les contenus. Et Twitter, et Facebook, se sont toujours positionnés comme étant des plate-formes, et non comme des éditeurs pour éviter d’avoir à endosser de lourdes responsabilités », poursuit Damien Van Achter.
Contacté par Les Inrocks, Twitter (US) confirme que que « ce Tweet n’a pas violé les conditions d’utilisation ». Et considère donc par défaut que le post de Donald Trump n’est pas une « menace spécifique de violence », et qu’il n’a pas « souhaité des dommages physiques graves ou la mort d’un individu et/ou d’un groupe de personnes. »
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