Twitter a publié lundi son premier rapport de transparence, indiquant que les demandes d’informations et de suppressions de contenus avaient fortement augmenté en 2012. Malgré tout, de nombreuses zones d’ombre subsistent.
« Au-delà des barbecues et des feux d’artifices, le 4 juillet [fête de l’Indépendance aux Etats-Unis, NDLR] nous rappelle combien il est nécessaire d’obliger les gouvernements à assumer leurs responsabilités, en particulier au nom de ceux qui n’auront peut-être pas la chance de le faire eux-mêmes. » C’est avec ces mots que Twitter, s’inspirant de Google, a présenté son tout premier rapport de transparence, publié ce lundi sur son blog. Le site indique, en fonction des pays, le nombre de demandes d’informations ou de suppressions de contenus reçues depuis le 1er janvier 2012. Il promet de réactualiser ces informations tous les six mois.
De plus en plus de requêtes gouvernementales
Twitter observe une explosion des demandes d’informations de la part de gouvernements : celles-ci ont été plus nombreuses dans la première moitié de 2012 que sur l’ensemble de l’année 2011. Sans surprise, les Etats-Unis sont en tête du classement : ils comptabilisent 679 requêtes, sur un total de 849. D’après une étude de Semiocast, le pays compte le plus grand nombre de twittos, avec 107,7 millions d’utilisateurs au 1er janvier 2012 (pour 5,2 millions en France). Loin derrière, le Japon arrive en deuxième position, avec 98 demandes ; il est suivi par le Canada et le Royaume-Uni (11 demandes chacun). La France, comme de nombreux Etats, a effectué moins de dix demandes.
Quant aux demandes de suppression de données, elles restent très peu nombreuses, et émanent de cinq pays : la France, la Grèce, le Pakistan, la Turquie et le Royaume-Uni. Aucune de ces requêtes n’a été satisfaite par Twitter.
« Twitter, comme les autres grands réseaux, coopère »
Sur son blog, le réseau social affirme avertir les utilisateurs concernés des demandes gouvernementales ou judiciaires reçues, « à moins que la loi ne l’interdise« . Et c’est précisément là que le bât blesse. Twitter est tenu de ne pas communiquer sur une demande émanant des services secrets (DCRI ou DGSE), pour ne pas compromettre l’enquête en cours. Lorsque l’utilisateur est prévenu, il s’agit la plupart du temps d’une demande classique, sans grand enjeu. « N’est pas Julian Assange qui veut« , raille Me Pierrat, en accusant Twitter de jouer sur un « glissement sémantique » pour se poser en défenseur des libertés individuelles.
En France, l’amendement Bloche définit la responsabilité générale de la part des éditeurs de contenus en ligne. Il permet notamment à une autorité judiciaire ou un tiers de demander à un opérateur en ligne de retirer des données problématiques. Si ce dernier n’obtempère pas sous huit jours, il sera tenu responsable du contenu litigieux. « Ça fonctionne de manière très efficace, observe Emmanuel Pierrat, avocat au barreau de Paris. Qu’en est-il de Twitter ? « Il n’existe pas de jurisprudence, mais Twitter obtempère immédiatement« , répond l’avocat. Si, en théorie, le site pourrait déposer des recours en justice afin de protéger ses utilisateurs, il ne prend jamais ce risque, de peur de s’attirer une mauvaise publicité. « Et ils ne veulent pas se mettre les services de renseignement à dos, ajoute Me Pierrat. Twitter, comme les autres grands réseaux, coopère. »
Les zones d’ombre du rapport de transparence
Si Twitter coopère effectivement avec les gouvernements sans pouvoir informer systématiquement ses utilisateurs, quelle valeur accorder à son rapport de transparence ? « C’est de la poudre aux yeux pour rassurer les abonnés, tranche Emmanuel Pierrat. Une façon de dire « nous protégeons nos utilisateurs ». En réalité, les informations sont très nébuleuses. » Et de pointer les lacunes et autres zones d’ombre du rapport : les chiffres concernant les requêtes des gouvernements ne sont pas détaillés lorsqu’ils sont inférieurs à dix, et ne comprennent pas toutes les demandes. De même, Twitter se garde bien de détailler les différents types de requêtes émanant des gouvernements. « Et je trouve fascinant que des pays réputés pour leur mépris des libertés individuelles ne figurent pas dans le rapport, comme la Chine par exemple« , ironise Me Pierrat. Twitter se trouve finalement dans une situation pour le moins ambigüe :
« Ils sont obligés de pactiser pour prendre pied sur des marchés très importants, comme le Moyen-Orient. Ils sont à la fois très conciliants avec les autorités, mais veulent afficher qu’ils sont un endroit de liberté. C’est une politique de transparence pas transparente du tout. »
Pour Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net (organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet), la meilleure solution reste encore de se désabonner de Twitter et de lui préférer un logiciel libre de microblogging. « Vous faites confiance à Twitter, mais aux Etats-Unis par exemple, les services secrets ont accès à toutes les données de tous les comptes. Et ça, Twitter ne peut pas le mettre sur son rapport. Si vous hébergez votre réseau chez vous en France, avec StatusNet par exemple sur Identi.ca, là vous savez tout. » Et de conclure : « La capacité d’héberger ses services soi-même est la meilleure garantie d’échapper à la censure. »