Dans Tu enfanteras dans la douleur, Ovidie prend à bras-le-corps la brutalité de l’enfantement. Un documentaire qui ouvre le débat sur les violences obstétricales et gynécologiques.
« J’ai mal, j’essaie de me débattre, elle appuie sur mon ventre, me maintient. Et là, je sens des coups de rasoir. » Ces mots glaçants ne sont pas ceux du témoignage d’une agression mais d’un accouchement.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des mots qui permettent de briser un tabou encore bien ancré dans la société française, celui des violences obstétricales et gynécologiques. Avec Tu enfanteras dans la douleur, la réalisatrice Ovidie interroge un sujet éminemment idéologique : l’accouchement. Un documentaire à la fois bouleversant et éclairant qui remet la notion de consentement des femmes au cœur du débat.
https://www.youtube.com/watch?v=9WLk4-xv1Xc
Le traumatisme d’un moment de leur vie de femme
« J’étais un bout de viande » ; « Ils m’ont ouvert le ventre à vif » ; « C’est comme une excision » ; « Je la suppliais d’arrêter » ; « Il m’a fait un toucher vaginal et rectal sans me demander »… Dans une lumière sombre, elles racontent une à une le traumatisme d’un moment de leur vie de femme supposé pourtant heureux : humiliations, infantilisation, gestes brutaux et actes réalisés sans consentement.
« Pendant mon accouchement, mon enveloppe est restée vivante, mais j’ai été tuée de l’intérieur”
« Vu l’horreur que c’était, je n’étais plus dans un accouchement, c’était une scène de massacre », témoigne une jeune femme, en larmes. Des scènes qui ont bouleversé leur vie quotidienne et intime. « Pendant mon accouchement, mon enveloppe est restée vivante, mais j’ai été tuée de l’intérieur. J’ai dû me reconstruire pendant deux ans et demi », dit aussi l’une d’elles.
Certaines n’arrivent plus à dormir, font des détours pour ne plus passer devant la maternité, ne peuvent plus se concentrer, ont des bourdonnements dans les oreilles, ou n’arrivent plus à avoir de sexualité. Et utilisent même parfois le mot « viol ».
« Contrairement au corps médical, pour ces femmes, le vagin n’est pas du tout désexualisé, nous explique Ovidie, ce qui fait que certains actes invasifs faits sans le consentement de la patiente et sous la contrainte, la menace ou la surprise, suivant la définition légale du viol, vont engendrer les mêmes séquelles que celles que l’on peut développer suite à un viol. »
Une notion difficile à entendre du côté des professionnels de santé qui sont pourtant tenus, légalement, de s’assurer du consentement libre et éclairé des patientes avant chaque acte médical.
Un tabou brisé
Aucun détail d’identification (nom, âge, profession) n’est donné sur les femmes qui témoignent presque toutes face caméra. Une manière de rappeler que non, ces violences ne sont pas le lot que d’une seule catégorie de personnes, mais peuvent toutes nous toucher.
Si ce tabou a été brisé, c’est avant tout grâce à internet. En 2014, les #PayeTonUtérus et #PayeTonGynéco inondaient la Toile et révélaient au grand jour les pires comportements du corps médical face aux femmes et leurs questions liées à la sexualité, la contraception et la grossesse.
Une libération de la parole lancée un an auparavant par le blog Marie accouche là de la juriste et féministe Marie-Hélène Lahaye.
L’accouchement longtemps écarté des combats féministes
Comment a-t-on pu alors en arriver là ? Entre sexualité, réappropriation du corps et notion de consentement, l’accouchement a longtemps été écarté des combats féministes davantage centrés sur l’accès à la contraception et à l’avortement.
Historiquement, les matrones, en charge des accouchements, se sont vu un beau jour retirer le droit d’utiliser les instruments d’extraction par les chirurgiens-barbiers. Un symbole de la domination patriarcale déterminant pour la suite. Au fil du temps, l’hôpital est devenu le lieu de l’accouchement, avec son lot de protocoles.
Ovidie donne aussi la parole aux militantes de l’accouchement raisonné et au personnel soignant qui dénonce un profond problème de moyens. Restrictions budgétaires, manque de personnel, cadences infernales… Les sages-femmes – chargées de la majorité des accouchements – sont mises à rude épreuve.
« Cela n’explique pas les violences obstétricales, mais c’est une réalité qu’il faut entendre aussi », souligne la réalisatrice.
Quelques mesures concédées
Parmi ces témoignages figure aussi celui de la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa.
« J’ai vécu des choses de l’ordre de la boucherie » – Marlène Schiappa
« J’ai vécu des choses de l’ordre de la boucherie », dit-elle sans détailler davantage. Elle s’est d’ailleurs emparée du sujet en commandant un rapport au Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes et dont les conclusions ont été rendues en juin 2018.
Si l’ordre des médecins a rejeté en bloc le rapport, l’ordre des sages-femmes et le collège national des gynécologues et obstétriciens français ont concédé quelques mesures comme l’ouverture d’une commission de promotion de la bientraitance des femmes en gynécologie. Preuve que les choses avancent.
Et c’est sans compter sur la jeune génération de gynécologues, plus alerte sur ces questions. « C’est un véritable sujet de santé publique auquel il est urgent de s’atteler », conclut Ovidie.
Tu enfanteras dans la douleur d’Ovidie, le 16 juillet à 22h40 sur Arte
{"type":"Banniere-Basse"}