La semaine dernière, le choix entre collaboration et résistance, l’attractivité réduite, la violence des patrouilles et un camp de Calais pire que l’Albanie.
“On a l’impression d’être les commentateurs d’une histoire qui se passe très loin de nous. On n’a jamais eu à choisir entre être collabo ou résistant. Qu’est-ce qu’on fait avec la non-histoire de notre pays et que représente aujourd’hui l’expression ‘avoir sa place dans l’Histoire’ ?” Bonne question de Christophe Honoré !
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Nous n’avons pas connu la guerre. Les tragédies de l’histoire sont pour nous des objets de connaissance, pas des souvenirs, ni des urgences. Nous ne saurons jamais si nous aurions été résistants ou collabos. Notre pays a été sorti de l’histoire, et nous observons le destin du monde se jouer comme les spectateurs d’une pièce dont nous ne sommes pas acteurs. Fin de l’histoire. Vraiment ?
Calais, pire que l’Albanie
“Femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite.” Calais 2015.
Il y a trois semaines, une tribune de Médecins du monde évoquait “le plus grand bidonville d’Europe”, l’impression d’un “pays en guerre (…). Et encore… L’une d’entre nous était en Albanie, près de la frontière du Kosovo en 1999 : le camp était mieux tenu.”
On a viré l’histoire par la porte, elle revient par la fenêtre. “Que représente aujourd’hui l’expression ‘avoir sa place dans l’Histoire’ ?” Bonne question. “Réduire l’attractivité” du camp et renforcer la présence policière est “la seule réponse apportée par le gouvernement”. Quelle est la mienne ?
Une insécurité policière
Je lis désormais ton reportage sur la dégradation des rapports entre la jeunesse et la police en banlieue, dix ans après les émeutes. Plus violente encore que l’absence de tout – piscine, cinéma, MJC, commerces, boulot, avenir –, la présence de la police. “Quand ils patrouillent, ils ralentissent, baissent leurs fenêtres, crachent par terre et nous lancent ‘Rentrez chez vous, bande de macaques’.” Ils “insultent les mamans”.
Certaines témoignent du climat d’insécurité qui règne dans le quartier quand ils débarquent et “courent après les petits ou (…) les font tomber par terre, même lorsqu’ils n’ont rien fait”. Plus loin dans le dossier, le sociologue Fabien Truong : “Brûler des bagnoles, certes, c’est violent, mais par rapport à la violence sociale que ces jeunes subissent au quotidien, ce condensé de violence physique paraît relativement faible.”
Une forme de dégoût me saisit en même temps que revient cette “impression d’être les commentateurs d’une histoire qui se passe très loin de nous”, mais qui est pourtant à quelques kilomètres, et qui est la nôtre. “Que représente aujourd’hui l’expression ‘avoir sa place dans l’Histoire’ ?” Bonne question.
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