Un numéro spécial du journal satirique vient d’être dévoilé, trois ans après le terrible attentat orchestré par les frères Kouachi. Les journalistes y racontent leur quotidien, marqué à jamais par ce drame.
Le 7 janvier 2015, aux alentours de 11h30, Chérif et Saïd Kouachi pénétraient dans les locaux de Charlie Hebdo. Lourdement armés, les deux terroristes semaient la mort dans la rédaction, tuant onze personnes avant de prendre la fuite, glaçant d’effroi la France entière. Depuis, le journal satirique se reconstruit comme possible, grâce à ses lecteurs et tout le soutien reçu après cette attaque historique.
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Mais trois ans après, Charlie Hebdo vit toujours sous très haute sécurité. Une pression permanente, que les journalistes ont voulu partager dans une édition spéciale en kiosques ce mercredi 3 janvier, consacrée au quotidien après ce drame. “Trois ans dans une boîte de conserve”, résume Riss en une de l’hebdomadaire, où l’on aperçoit un employé de Charlie s’exclamer à travers la trappe d’une porte blindée: “Le calendrier de Daech ? On a déjà donné.”
Car il s’agit bien là du sentiment qui prédomine ; le manque de liberté. “Je ne vais jamais à aucun événement public avec mon épouse, pour que son visage ne soit jamais associé au mien”, témoigne notamment Fabrice Nicolino dans une longue tribune, avant de s’adresser directement à Emmanuel Macron. “Monsieur le président, est-il bien juste que nous soyons contraints d’acheter ainsi notre vie en payant une police privée ? Et ce faisant, de privatiser notre liberté et notre sécurité ? Est-il juste que la République française ne garantisse pas réellement le droit de Charlie à réunir son équipe, à réaliser son travail hebdomadaire sous la protection efficace de policiers de la République ?”, s’interroge-t-il.
Le coût de la liberté d’expression
“Que se passera-t-il demain si nous n’avons plus ces moyens de riches ?”, poursuit Fabrice Nicolino. Car si ce numéro spécial est en grande partie consacrée à la sécurité et au quotidien des membres de Charlie Hebdo, le journal est toujours en danger. Malgré l’argent amassé lors des ventes exceptionnelles de 2015, l’hebdomadaire doit régler des sommes considérables pour continuer d’assurer sa sécurité.
“Ces investissements et cette protection ont un prix. Tout compris, ils atteignent entre 1 et 1,5 million d’euros par an, entièrement à la charge du journal”, révèle Riss dans son édito intitulé “Liberté d’expression, combien ça coûte ?”. Soit l’équivalent de… 800 000 exemplaires par an, seulement pour la protection des membres de Charlie Hebdo.
“Est-il normal pour un journal d’un pays démocratique que plus d’un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la sécurité des locaux et des journalistes, qui y travaillent ?” Riss
“Jusqu’à quand Charlie Hebdo pourra-t-il supporter une telle charge financière ? Nul ne le sait”, affirme Riss. “Mais qu’arrivera-t-il à Charlie Hebdo le jour où nos réserves seront épuisées, après avoir été dépensées pour la protection des locaux du journal ?, se questionne-t-il. Est-il normal pour un journal d’un pays démocratique que plus d’un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la sécurité des locaux et des journalistes, qui y travaillent ? Quel autre média en France doit investir autant d’argent pour lui permettre d’user de cette liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression ?”, ajoute le directeur de la publication, soucieux de l’avenir du journal.
Entre polémiques et menaces
Autre papier fort, celui de Jean-Yves Camus, qui déplore le comportement des internautes anti-Charlie sur les réseaux sociaux. Dans “Portrait-robot d’un fils de tweet”, il dénonce toutes les attaques verbales et les menaces dont sont victimes les journalistes de Charlie Hebdo. “Les réseaux sociaux continuent à relayer les appels à des attaques physiques contre le journal, le forçant parfois à porter plainte. Derrière l’anonymat du clavier et du pseudonyme, on trouve des militants d’extrême droite, mais surtout ceux qui se rêvent en vengeur d’une religion, l’islam, que Charlie détesterait”, écrit-il en préambule.
Parmi les dernières polémiques en date: la une de novembre 2017 sur Johnny Hallyday, où le chanteur est représenté à l’hôpital avec des sondes et des électrodes. “Johnny laisse tomber le rock et se met à l’électro”, pouvait-on lire. “On a reçu des menaces après une couverture sur la maladie de Johnny Hallyday ! Dérision, satire, caricature ne font pas partie du vocabulaire de ces gens”, se défend Jean-Yves Camus. Si les menaces et insultes pullulent sur les réseaux sociaux, il demeure impossible de discerner le vrai du faux. Car “à l’heure où n’importe qui peut faire un carnage en allant au magasin de bricolage du coin ou en achetant sa kalach comme on achète sa barrette de shit, toutes les menaces doivent être prises au sérieux. Même celles des plus débiles.”
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