Dix nouveaux épisodes de Calls, la série sans images du label Création Décalée de Canal +, nous plongent dans un univers creepy à souhait. On les a écoutés, et ça vaut vraiment le coup de tendre l’oreille.
“On peut sentir l’âme de quelqu’un dans sa voix.” Ce témoignage d’une femme anonyme, interrogée dans le futur par un journaliste dans le dernier épisode du chapitre 2 de Calls résume tout l’intérêt de cette série. Tournée sans images, seulement avec les voix d’un casting remarquable – Marie Gillain, Nahuel Perez Biscayart, Mathieu Kassovitz, Ludivine Sagnier, Ramzy Bedia, Charlotte Le Bon, Karin Viard, Lambert Wilson… – elle nous force à toucher la réalité des âmes de ses personnages par le simple son de leurs voix, comme des non-voyants. Cette expérience sensorielle transcende tout ce à quoi nous sommes déjà habitués en matière de création. Commencer à regarder Calls, c’est être happé dans chaque épisode de dix minutes dans une dimension parallèle, souvent effroyable.
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L’auditeur de Calls est un “voyeur”
Celle-ci nous propulse tantôt dans le passé, tantôt dans le futur. Les voix proviennent d’enregistrements divers, qui témoignent de l’omniprésence des appareils qui capturent des instants de nos existences. Il y a des échanges téléphoniques, des moments d’une vie d’un couple gravés sur des cassettes d’un magnétophone, des archives d’une émission de radio, une tentative d’exorcisme par un phonographe, la thérapie d’une patiente sur le dictaphone d’un psychiatre, ou encore les sons pris par une documentariste dans une grotte… Souvent, ces prises de son n’ont pas vocation à être diffusées, ce qui les rend d’autant plus authentiques et fascinantes : paradoxalement, l’auditeur de Calls est un “voyeur”.
Elles témoignent toutes d’événements extraordinaires, qui, mis bout à bout, finissent par s’imbriquer logiquement. Des personnages croisés dans la saison 1 (Calls préfère le registre littéraire de “chapitre”, affirmant ainsi sa singularité) réapparaissent, et plusieurs générations d’une même famille se dévoilent. Charge au spectateur-auditeur de reconstituer l’univers esquissé, à la manière d’un puzzle.
L’art du twist et de l’effroi
C’est le coup de force de Timothée Hochet, jeune auteur et réalisateur de 25 ans qui signe cette série (après s’être fait démarcher via sa chaîne Youtube) : il parvient à décrire une totalité à partir de fragments sonores, en laissant une marge d’interprétation appréciable au récepteur, libre de compléter les zones d’ombres. Ce dispositif rappelle les Fragments hackés d’un futur qui résiste, une création sonore d’Alain Damasio, mais s’en démarque en s’émancipant du cadre de la science-fiction.
Si ce chapitre 2 conserve une part de fantastique, plusieurs épisodes nous plongent dans des situations contemporaines ou passées très concrètes, et néanmoins horrifiques. Car Calls maîtrise parfaitement l’art du twist. Tout commence toujours plutôt bien dans un épisode, mais les voix de cette série sont bien souvent impénétrables. Une saison 3, déjà dans les tuyaux, permettra d’y voir plus clair. Et c’est tant mieux !
Calls, écrite par Clémence Setti et Timothée Hochet, à partir de lundi 27 mai 2019 sur Canal +
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