Minorité parmi les minorités, les transsexuels FTM (“female to male”) souffrent d’humiliation de la part du monde médical et traversent de véritables
chemins de croix pendant leur transition.
Si le mois de mai est propice aux pseudo-révolutions, le cru 2009 aura été exemplaire pour la communauté trans. Roselyne Bachelot fait la une en annonçant, à la veille de la Journée mondiale contre l’homophobie, la déclassification de la transidentité de la liste des « affections psychiatriques de longue durée ». Une déclaration accueillie avec circonspection par les principaux intéressés, au mieux contents de la portée symbolique de l’événement, mais plus généralement indifférents face à une annonce vide de contenu (voir Inrocks n° 704).
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Qu’importe, les médias célèbrent l’avancée progressiste et renvoient bien vite les trans au mutisme médiatique qui les entoure. TF1 pourra toujours à l’occasion ressortir un documentaire sur Roger, devenu Lola, prostituée plantureuse (et sans doute droguée) aux alentours de Boulogne. Les clichés ont la vie douce.
Pendant ce temps, le monde liquide et virtuel de l’internet bouillonne d’une activité bien réelle, reflet d’une communauté trans en plein essor. Et parmi eux, ces messieurs les FTM – pour « female to male », expression qui qualifie les transgenres dont la transition se fait du féminin vers le masculin. Une communauté encore plus invisible aux yeux des médias que ceux qui font leur transition vers le genre féminin.
Vitrine photogénique et colorée de ce fourmillement, le nouveau site xxboys.net, créé par le photographe Kael T Block, qui immortalise façon papier glacé des FTM du monde entier : « Grandir avec une image positive, c’est mieux pour avancer que n’importe quel discours, explique-t-il. Quand, il y a cinq ans, j’ai commencé à chercher des infos sur le net au moment de ma transition, il n’y avait presque rien sur le sujet, à part quelques blogs américains. J’avais envie de faire un site qui donne une image positive des FTM. »
Aujourd’hui, la situation a changé et les jeunes FTM peuvent compter sur une mine d’informations, de conseils et de discussions sur des sites, comme ftm-transsexuel.info, où l’on peut tout apprendre sur la prise d’hormones, les opérations, le changement de prénom… Une information pour et par les FTM qui vient pallier un incroyable vide dans le corps médical français.
« En France, il y a cinq équipes médicales qui se sont autoproclamées “officielles” et qui ont mis la main sur notre identité. Composées de psy, d’endocrinologues et de chirurgiens, elles s’accrochent aujourd’hui à cette industrie trans qui les fait vivre, en dictant ce que doit être un bon trans« , raconte David, de l’association transidentitaire lyonnaise Chrysalide.
Des équipes qui ont imposé des critères parfois absurdes aux trans pour leur permettre de faire leur transition, comme de ne pas avoir eu d’enfant, de ne pas être séropositif, de ne jamais s’être prostitué… Et les soumettent à la tutelle de psychiatres chargés d’autoriser ce parcours, de la prise d’hormones aux opérations chirurgicales.
« C’est comme si on obligeait chaque personne qui passe le permis de conduire à se faire suivre par un psy pendant deux ans pour que celui-ci s’assure que le candidat ne foncera jamais sur des enfants avec sa voiture« , se désole Joachim Fablet, qui avec deux autres FTM vient de créer Outrans, une association militante et « d’autosupport » pour les trans.
Résultat de cette rigidité normative, de nombreux FTM contournent ces équipes dites officielles et « se bricolent leurs propres parcours avec des médecins trans-friendly qui ne cherchent pas à instaurer de relation de pouvoir« , raconte Kaleb de l’association militante transpédégouine Les Panthères roses. Ce qui, en pratique, n’est pas toujours facile, vu l’étendue de l’ignorance des médecins à cet égard, quand il ne s’agit pas tout simplement de transphobie. « Le problème, c’est qu’à cause du manque d’information, un médecin généraliste, même de bonne volonté, va souvent renvoyer la personne qui se présente à lui vers les équipes dites officielles« , note Joachim Fablet.
D’où un fort tourisme médical des trans vers des pays où ces opérations se pratiquent plus couramment et souvent mieux. Et face à l’Etat, l’encadrement n’est guère plus libéral puisque le changement d’état civil (avoir une carte d’identité en accord avec son genre choisi) est lui aussi soumis à des exigences. « Certaines opérations sont obligatoires pour pouvoir procéder au changement d’identité, comme la mastectomie (ablation des seins) et la stérilisation par hystérectomie (ablation de l’utérus)« , explique David de Chrysalide.
Un parcours obligé auquel s’ajoute un examen médical pour ceux qui se sont fait opérer à l’étranger, vécu comme une humiliation supplémentaire. « Sans une meilleure condition juridique et médicale, on arrivera à rien. La situation actuelle est très fragilisante, notamment dans le parcours professionnel« , explique Jihan Ferjani, cofondateur du festival IdentiT, premier festival de films trans de Paris dont la deuxième édition a eu lieu au printemps dernier.
La question posée en filigrane par cet encadrement rigide de la transition de genre, « c’est celle de la libre disposition de la personne« , analyse Kaleb, des Panthères roses. « Ce n’est pas moi qui suis différent, c’est la société qui dysfonctionne. » Car le diagnostic est clair, la pathologie, ce n’est pas d’être trans, c’est d’être transphobe.
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