La tablette d’Apple, vent violent du moulin à rumeurs depuis des mois, a fini par être officiellement présentée : l’iPad n’est pas un objet révolutionnaire, mais les applications et utilisations qu’il ouvre le seront peut-être profondément.
Trois milliards d’applications vendues depuis le lancement de l’Appstore, plateforme dédiée aux logiciels pour iPhone et iPod Touch –il en existe, chiffre ahurissant, près de 140 000. Près de 9 millions d’iPhone écoulés sur les trois derniers mois de 2009. Sur la même période, un bénéfice net en hausse de près de 50% et un nouveau trésor de guerre, à ajouter aux actifs accumulés précédemment, de près de 4 milliards de dollars. Un chiffre d’affaires, sur l’année entière, de plus de 50 milliards de dollars. Apple se porte bien, très bien, merci pour elle. Mais Apple pourrait se porter encore mieux, bien mieux dans les prochains mois.
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[attachment id=298]Un an que les rumeurs, peut-être savamment distillées par la firme Californienne elle-même, largement reprises et alimentées par une armée de blogueurs geeks et d’enquêteurs furieux, annoncent le déboulé d’Apple sur un nouveau marché avec le lancement de sa « tablette ». Soit la version maison d’un netbook tactile, agrémenté donc de spécificités techniques uniques qui risquent d’imposer une nouvelle vision du produit à un marché qui n’a pourtant pas attendu Steve Jobs et ses camarades pour se lancer dans l’aventure. La chose, éventée depuis des lustres, a fini par être présentée ce mercredi soir par Steve Jobs lui-même, dont la santé n’inspire plus d’inquiétude, lors d’un Special Event ultra attendu.
Le truc a été nommé iTablet, iSlate ou iPad par la rumeur. C’est ce dernier sobriquet qui a finalement été choisi pour le bidule, dont on risque d’en entendre beaucoup, beaucoup, beaucoup parler ces prochaines semaines, ces prochains mois, voire ces prochaines années. Le principe de l’iPad : un produit situé, selon les termes de Jobs lui-même, très précisément entre un ordinateur portable et un smartphone. Un produit qui certes ne tiendrait plus que dans de très grandes poches, mais servirait à tout, ou presque, voire à un peu plus. Soit surfer sur le web, jouer, relever ses mails, lire du contenu multimédia. Et lire des livres : Amazon et son Kindle, lecteur de livres numériques et véritable phénomène commercial, sont directement visés.
En gros et pour résumer : l’iPad est un grand iPhone doté d’un écran de près de 10 pouces, gonflé aux hormones pour un confort accru, fait 1,3 centimètre d’épaisseur pour un peu moins de 700 grammes, dispose d’une capacité de stockage allant de 16 à 64Go. Certains modèles ne disposeront que du wifi, d’autres seront capables de se connecter au réseau 3G. Six modèles en tout, disponibles mondialement dans deux mois pour les versions wifi, dans trois pour celles incluant la 3G, et des prix allant de 499$ à 829$ -attendez-vous à un équivalent en euros, mais une subvention couplée à un abonnement spécifique est également envisageable du coté des opérateurs mobiles.
L’iPad sera capable « out of the box » de faire tourner les 140 000 applications déjà dédiées au téléphone ou à l’iPod Touch d’Apple, mais son système d’exploitation, assez proche visuellement de celui de l’iPhone mais agrémenté de quelques nouveaux effets et fonctionnalités inédites, offrira tout de même aux développeurs un terrain de jeu fertile pour des applications ad hoc.
Sans être tout à fait révolutionnaire, l’objet et son utilisation simple semblent donc être, comme à l’accoutumée chez Apple, une belle source de désir. Mais le véritable génie d’Apple, difficile à nier même pour ses plus ardents détracteurs, reste dans la création, autour des objets vendus, d’un véritable écosystème logiciel, ainsi et surtout que la création et l’invention presque ex nihilo de nouvelles pratiques de consommations.
Si Apple n’a pas inventé le lecteur MP3 avec son iPod et la plateforme de téléchargement attenante l’iTunes Store, on sait avec quelle force le format, l’objet et les nouvelles consommations musicales ont bouleversé l’industrie du disque. Si Apple n’a pas inventé le smartphone avec l’iPhone, on sait de la même manière à quel point et avec quelle célérité l’iPhone multimillionnaire s’est imposé comme un modèle à suivre, tant sur un plan économique que sur un plan logiciel –sans l’iPhone, les téléphones intelligents seraient peut-être encore réservés à une minuscule élite et à l’utilisation un peu morne de l’unique monde professionnel.
La même chose pourrait survenir avec l’iPad : derrière les bits, les chips, les chiffres dort encore un océan de possibilités, qu’ouvrent une série d’accords passés ces dernières semaines entre Apple et divers partenaires, dans de nombreux domaines. L’un des champs les plus excitants sera le jeu : avec un écran plus grand et des entrailles plus musclées, comme l’a expliqué les pontes du géant (français) du jeu mobile Gameloft ou ceux d’Electronic Arts, Apple offre aux gamers ce qui ressemble de plus en plus à une véritable console de jeu.
[attachment id=298]Mais Apple risque plus fort encore dans le domaine de l’édition. Ou comment entrer en quelques instants dans une science fiction que l’on ne croyait, il y a quelques années encore, réservée à l’esprit inventif des réalisateurs hollywoodiens : l’iPad, comme il a été démontré avec une application dédiée au New York Times, pourrait faire un pont inédit entre le papier et son évidente simplicité et le web et ses possibilités infinies. Naviguez dans le journal comme vous en tourneriez les pages, mais regardez une vidéo s’animer ou un portfolio interactif se dérouler au beau milieu d’un article, si celui-ci le prévoit. Tournez les pages si vous le voulez, ou naviguez entre les sections du journal en cliquant sur des onglets. Un exemple, un exemple seulement : l’outil est désormais entre les mains des éditeurs et programmeurs, qui pourront en faire ce qu’ils veulent, au bon vouloir de leur imagination. Le tout donnera en outre certainement quelques nouvelles idées de contenus payants aux éditeurs de presse, toujours tiraillés entre les exigences financières et la difficile gratuité des contenus proposés sur le web.
Côté eBook, pour concurrencer le Kindle d’Amazon, Apple n’y est pas allé par quatre chemins : la firme a lancé son propre logiciel de lecture, une très élégante et pratique chose nommé iBooks, ainsi qu’un magasin en ligne dédié. Si les éditeurs hexagonaux restent encore pour la plupart sur la réserve en attendant de voir le marché du livre numérique et les problèmes de droits et de rétribution se décanter, cinq des plus grands éditeurs mondiaux, Penguin, Harpercollins, Simon + Schuster, Macmillan et Hachette ont déjà signé des accords avec la compagnie de Cupertino –pas mal pour un début.
[attachment id=298]La vidéo, sous toutes ses formes, sera aussi l’un des domaines évidents d’exploitation de l’iPad. iTunes étant devenu, aux Etats-Unis du moins, une véritable plateforme de VOD, de location ou d’achat de films ou de séries, la boutique en ligne d’Apple trouve avec l’iPad un nouveau support évident. Mais les choses vont plus loin : il a par exemple été présenté, sous une forme apparemment impressionnante, une application dédiée à la ligue US de Baseball –vidéos HD et données multiples s’y manipulent avec une grande simplicité, dans une interface plutôt excitante.
Reste le plus sérieux, mais pas le moindre : l’iPad ne sera pas qu’une plateforme de divertissement. Outre Brushes pour le dessin, une version spécifique, apparemment très innovante et multitouch d’iWork, suite bureautique complète made in Apple, a été développée pour la nouvelle machine. Entre deux jeux, deux films, deux albums, deux pages des Inrocks version iPad, on pourra donc même travailler. Pas certain que ce soit la meilleure nouvelle, d’ailleurs.
(NB : les photos de cet article sont issues du site Gizmodo, où d’autres images, vidéos et précisions sont disponibles. Une démonstration publicitaire est également visible sur le site officiel du constructeur.)
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