Il joue au stagiaire pour Thierry Ardisson, fait grimacer Robert Ménard, a tout appris à l’école Kader Aoun et vient d’intégrer à la rentrée 2016 la « Bande Originale » de Nagui. Focus sur un couteau-suisse au verbe aiguisé.
« Des réformes choc et des décisions fermes, bientôt tu iras plus loin que l’Hérault, et un jour toi aussi, tu seras connu dans l’univers / comme le célèbre Adolphe… Saxe« . Il a suffit de cet implicite point Godwin pour que Robert Ménard décide de déserter le plateau de Salut les Terriens, le 27 novembre dernier. Soit l’intro d’un billet d’humeur gentiment provoc’ et à la chute bienveillante : « Pour quelqu’un qui se dit ne jamais être invité, c’est la deuxième fois en six mois que vous venez. Ici, aux Restos du Coeur ou chez l’abbé Pierre, il y a toujours une place pour ceux qui sont en galère ».
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On l’imagine, l’auteur de cette chronique n’est pas (qu’)un sale gosse. Et pourtant, c’est son physique juvénile qui nous désarçonne dès le premier regard. Au centre du decorum rococo du talk-show, Tom Villa a l’allure d’un jeune homme insouciant, tout sourire, bien fringué, sans un cheveu qui dépasse. L’attitude parfaite pour se la jouer serial-blagueur face au maire de Béziers. Hors des spotlights, difficile de s’enlever de la tête cette image presque trop lisse du « gendre idéal » – bel hasard puisqu’il s’agit du titre de son dernier one-man. Rencontre avec un touche à tout.
« Je ne suis pas un humoriste politique »
Lorsqu’il nous accueille à deux pas du Palais des Glaces, dans les sous-sols du Paname Art Café, là où s’entraînent les espoirs du rire (« tout commence dans cette salle, pense à Rocky, c’est ici qu’on boxe les quarts de bœuf !« ), le chroniqueur revient sur ce clash involontaire :
« Jamais de la vie je n’aurais imaginé que Robert Ménard quitterait le plateau. Mon texte, je l’ai lu et relu dans tous les sens avant l’enregistrement. Thierry Ardisson ne m’a pas engagé pour que l’invité s’en aille. Je n’ai pas la réponse mais je pose la question : est ce que Ménard n’avait pas prémédité son coup ? Est-ce qu’il n’était pas à cours d’argument ? Moi, je ne suis pas un politologue, je défonce les gens de gauche et de droite. J’ai peu de scrupules quand je m’occupe des hommes politiques car ils ont l’habitude de s’en foutre plein la gueule toute la journée. A côté de ça, quand j’arrive avec mes blagues, j’ai l’air d’un bisounours ! »
Au fil des mots, nul mea culpa futile. Il faut dire que le curriculum vitae de cet autoproclamé troubadour de vingt-six ans est loin de se limiter à l’effervescence du buzz. Ado, Tom détournait les annonces d’Elie Semoun dans sa chambre et immortalisait l’instant à l’aide d’une petite caméra. En 2006, lors d’une projo du Je vais bien ne t’en fais pas de Philippe Lioret, il rencontre Kad Merad. Celui-ci lui explique comment faire ses armes dans le métier : « par la radio ». CQFD, il suffira de quelques portes enfoncées pour que l’intéressé se faufile sur les ondes parisiennes de Sport MX. Lorsque la station devient Europe 1 Sports suite à son rachat par le groupe Lagardère, il anime Europe Sports Café, cliquètements de tasses en ambiance sonore. Incarnation du slogan de la radio généraliste – « mieux capter son époque » – Tom est vite repéré par Nicolas Plisson, révélateur de talents Canal Plus, qui l’invite à écrire les chroniques de l’humoriste Jérôme Commandeur. De 2013 à 2015, le trublion alternera stand-up (premières parties d’Anne Roumanoff, de Gad Elmaleh, d’Eric Antoine, passage au Jamel Comedy Club, tournée d’un an en compagnie de Matthieu Madénian), télévision (une rubrique dans La nouvelle édition, un essai – « raté, pas grave » – pour le C à vous d’Alessandra Sublet) et radio (toujours !), sous l’égide de Jean-Marc Morandini, dans Le grand rendez-vous des médias.
De Disney Channel à Laurent Baffie
A dix-huit ans, Tom Villa voulait devenir…journaliste. Il a finalement choisit « la déconne« . Celui qui écoutait Difool sur Skyrock durant ses années collège (« puis Max et Mélanie sur Fun Radio« ) se retrouve aujourd’hui à tirer le portrait des invités de La bande originale de Nagui. Encore mieux, en trois années, le voilà passé de présentateur du « seul magazine d’actu culturelle pour les 8-14 ans » (StarBuzz sur Disney Channel, en 2012) à collègue du sniper Laurent Baffie, « la machine de guerre ! » , chaque samedi soir dans Salut les terriens. Entre Disney et Ardisson, deux mots : Kader Aoun. Blagueur de l’ombre pour l’hebdo-spectacle de C8, l’ex-co-auteur de Jamel Debouzze veille depuis cinq ans à la bonne santé de son nouveau poulain et le pousse à se surpasser sur scène. Il a suffit d’un coup de fil de ce « grand guide, très exigeant, cash, qui te regarde en live avec tout ce que t’a » pour que Tom Villa soit accepté par « Thierry » et se vêtisse des oripeaux d’un rôle taillé sur mesure : le stagiaire de l’homme en noir.
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Le concept est malicieux : proposer un personnage burlesque de débutant du PAF, une silhouette éphémère de néophyte, « ce qui excuse immédiatement les maladresses, les questions trop cons que l’animateur n’a pas voulu poser, des blagues drôles et absurdes« . Pas de politique, juste une éthique : ne jamais flinguer à tout prix mais « se focaliser sur les faits d’armes des invités », de l’ex-Garde des Sceaux Rachida Dati – qui restera de glace – à Joey Starr. Malgré son air pince sans rire, on imagine le jeune flippé à l’idée de côtoyer Guillon et Baffie. « Aucun risque, j’ai remplacé Jean-Mi le robot ! Quand tu passes derrière un mec nul qui est également un robot, il n’y a pas trop de pression » blague-t-il. Captivé par SLT qu’il définit “en pièce de théâtre ou en jeu de société, où l’on joue la comédie comme l’on joue au tennis« , Tom est un enfant de la télé, bercé par les pitreries du Bigdil, les happening de Nulle Part Ailleurs et les entrevues rentre-dedans de Tout le monde en parle.
« On secoue le tamis et on garde les pépites d’or »
La méthode Ardisson, celui qui la connaît depuis un an et demi déjà nous la résume en un « savant dosage de notoriétés » voire carrément, « un cocktail entre la pute et l’archevêque« . Un coup de shaker asséné sans droit de regard, mais digne d’un travail d’orfèvre pour publicitaire aguerri :
« A l’enregistrement, mon sketch dure neuf minutes. Il faut ensuite devenir une sorte de chercheur d’or. On secoue le tamis pour ne garder que les pépites. On retire une ou deux minutes en tout. Si certaines vannes n’ont pas marché en plateau, ce sera fatalement le cas pour le spectateur devant son poste. On fonctionne à l’efficacité. Ce montage, ce sont des coupes artistiques qui permettent d’avoir le meilleur produit possible »
Dans le temple sons et lumières de l’infotainment, Tom Villa s’éclate. Il y a deux ans, il jouait au zappeur pour La nouvelle édition, obligé de « bouffer une émission entière des Chiffres et des Lettres, ou des Chtis, quatre ou cinq heures de programmes pour trouver vingt secondes amusantes« . Une indigestion qui l’incite en 2015 à refuser l’offre de Cyril Hanouna, qui souhaite l’intégrer à l’équipe de Touche pas à mon poste. Peu désireux alors de poursuivre sur la voie du bêtisier et de « passer pour une mauvaise photocopie de Bertrand Chameroy », Tom Villa privilégie depuis la vanne vache, sur Inter (face à Pierre-Emmanuel Barré) et sur la huitième chaîne, quitte à se faire insulter en retour par la fachosphère virulente. Il se marre sans censure. Mais sans illusion non plus. « Chroniqueur, c’est un métier qui a une date de péremption. Il faut en être conscient et toujours anticiper le coup d’après » affirme-t-il avec un soupçon de sagesse.
L’après, c’est le métier de comédien, que le comique endosse à travers Munch, nouvelle série TF1 et « dépucelage » professionnel en compagnie d’Isabelle Nanty. A l’idée d’être acteur, Tom Villa enfouit sa répartie dans la poche et confesse, candide, avoir « l’impression d’être sorti de l’oeuf, avec des coquilles dans les cheveux« . Un rêve de gosse…D’enfant terrible ?
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