Aliment magique mais souvent moqué, le tofu soyeux mérite d’être dédiabolisé.
Yeux ronds, sourcils relevés, front plissé et bouche de côté : voilà en règle générale la réaction physique constatée chez nos interlocuteurs lorsqu’il nous arrive de mentionner, au hasard d’une conversation, cet étrange aliment qu’est le “tofu soyeux”. Face aux réactions surjouées (et éreintantes) des béotiens consternés, voici donc venu le temps de lever le voile et de révéler ce qui se cache derrière ce nom mystérieux évoquant à la fois le caillage du lait de soja et les propriétés de la soie.
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Au commencement était la fève de soja, un des premiers aliments cultivés, surtout par les Chinois. La légende raconte qu’en 164 avant J.-C., lors d’une expérience alchimique, le bon roi Liu An aurait inventé le “doufu”, comme on le nomme en Chine, en faisant coaguler le lait de soja avec du sulfate de calcium, issu du gypse des montagnes locales. Lorsque les moines bouddhistes introduisirent celui-ci au Japon vers le VIe siècle après J.-C., le sulfate de calcium fut remplacé par le nigari, extrait naturel d’eau de mer, qui donna alors un tofu plus tendre et plus souple qu’il ne l’avait jamais été. Ainsi naquit le tofu soyeux, qui devint dès le XIIe siècle un aliment de base de la cuisine japonaise.
Meilleur ami des vegans
D’accord, mais “outre sa texture, quelle est sa particularité ?”, se demandent en chœur les réfractaires. Eh bien malgré sa consistance peu ragoûtante à mi-chemin entre le flan et le yaourt, le tofu soyeux possède un goût presque neutre et peut donc s’insérer un peu partout, notamment en remplacement des produits d’origine animale que sont les œufs, le beurre ou la crème. Meilleur ami des vegans (mais pas que), le tofu soyeux peut donc s’imposer comme la base d’un nombre incalculable de recettes sucrées ou salées (quiche, blinis, mousse au chocolat, clafoutis, glace, pain brioché, crème aux fruits…). Il suffit d’un coup de blender pour obtenir une crème onctueuse et raffinée.
Facile à cuisiner, il contient, en outre, des protéines complètes particulièrement bien assimilables ainsi que les huit acides aminés “essentiels”. Rassasiant, riche en magnésium, pauvre en lipides et en graisses saturées, il est aussi une bonne source d’acides gras mono et polyinsaturés, capables de faire baisser le mauvais cholestérol. Enfin, l’argument massue : le tofu soyeux permet à tout Occidental enthousiaste de se prendre pour un roi alchimiste dans sa cuisine et, par exemple, de transformer la pâte à tartiner en un encas sain et équilibré (100 g de tofu soyeux, 60 g de purée d’amandes complètes, 60 g de miel, mixés et réfrigérés). Le tour est joué.
Tofu soyeux de Clémence Catz (Editions La Plage), 72 pages, 9,95 €
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