Alors que la série télé fait une pause au milieu de sa saison 7, le jeu vidéo adapté des comics « The Walking Dead » vient de démarrer sa troisième saison. Lancés simultanément, ses deux premiers épisodes marquent un nouveau départ pour la production du studio Telltale qui n’a sans doute plus grand-chose à envier à son homologue télévisée.
Un Walking Dead peut en cacher un autre. Parallèlement à celle qui, sur AMC aux Etats-Unis et sur OCS chez nous, a achevé la première moitié de sa saison 7 le mois dernier, il existe une autre « série » inspirée de la bande dessinée de Robert Kirkman et Tony Moore qui, elle, vient d’entamer sa saison trois, sous-titrée « A New Frontier ». Et qui, dans ses meilleurs moments, soutient aisément la comparaison avec le Walking Dead télévisuel, en particulier quand, comme ces derniers mois, ce dernier patine pas mal. Car si elle se dévoile aussi sur le petit écran – ainsi que sur ceux des ordinateurs, tablettes et mobiles –, cette série-là relève d’un mode d’expression un peu différent : le jeu vidéo.
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En 2012, la première saison de ce Walking Dead vidéoludique aux personnages distincts de ceux de la série télé avait fait sensation. Le studio Telltale, fondé en 2004 par quelques anciens de LucasArts, touchait enfin au but après des années de tâtonnements et de réussites mineures. Avec ses interactions limitées mais souvent déterminantes et son récit à la cruauté subtile et aux emballements poignants, il venait de donner un héritier moderne crédible aux jeux d’aventures graphiques d’antan – ceux de LucasArts (Monkey Island, Maniac Mansion…), justement – en mettant cette fois l’accent non pas sur les énigmes (quasi inexistantes ici) mais sur les décisions du joueur qui, dans le pire des cas, pouvaient amener à sacrifier un personnage afin, peut-être, d’en sauver un autre.
On ne sait jamais vraiment ce qui se serait passé si…
Proche des recherches du Français David Cage (Heavy Rain, Beyond : Two Souls) , voire de Life Is Strange, le système de jeu Telltale repose sur une alternance de QTE (quick time events : le joueur doit appuyer au bon moment sur une touche qui s’affiche à l’écran) pour les scènes d’action (au hasard : repousser un zombie puis lui planter un couteau dans la tête) et de dialogues à choix multiples (et en temps limité) dont l’issue détermine dans une certaine mesure la manière dont se poursuivra le récit. Sauf qu’on ne sait jamais exactement quel impact réel auront nos décisions, la malléabilité de l’intrigue ayant quand même ses (grosses) limites.
Mais la tension n’en est paradoxalement que plus forte : peut-être ces quelques mots que l’on s’apprête à faire prononcer au personnage dont le destin nous a été confié compteront à peine par la suite, mais peut-être vont-ils vraiment tout changer. Cette incertitude est essentielle : ce qui est marquant dans The Walking Dead, c’est qu’on ne sait jamais vraiment ce qui se serait passé si, à tel ou tel moment, on avait (ré)agi autrement. A la possibilité de l’impensable (sur laquelle s’appuie aussi la série télé) s’ajoute ainsi un paradoxal sentiment mêlé d’impuissance et de responsabilité. D’où découle largement notre fébrilité.
Aux origines de l’épidémie zombie
Ces dernières années, Telltale avait un peu donné le sentiment de se disperser. Depuis la saison 2 de The Walking Dead achevée en 2014, les joueurs ont eu droit à des fictions interactives sur le même modèle situées dans les univers de Game of Thrones, de Minecraft, de Batman ou du jeu vidéo Borderlands, en attendant sa version des Gardiens de la Galaxie promise pour cette année. Il y eut certes bien un interlude mort-vivant en 2016 avec le spin-off Michonne, du nom d’un fameux personnage féminin également présent dans le comics et la série télé, mais la vraie saison 3 de The Walking Dead s’est faite attendre. Au point que c’est presque avec surprise que l’on a vu débarquer peu avant Noël ses deux premiers épisodes, « Les Liens qui nous unissent » parties 1 et 2. Qui, pour The Walking Dead version jeu vidéo, ont valeur de nouveau départ.
Inégale, la deuxième saison semblait un peu orpheline des deux maîtres d’œuvre de la première, Sean Vanaman et Jake Rodkin, partis fonder le studio Campo Santo et développer l’excellent Firewatch. Le début de la troisième donne en revanche le sentiment d’une belle assurance par sa manière de reprendre les choses aux origines de l’épidémie zombie dans son prologue en nous présentant tranquillement de nouveaux personnages. A commencer par notre alter ego Javier, ex-pro de baseball que l’on retrouve bientôt sur la route avec Mariana et Gabe, les deux enfants ados plus ou moins boudeurs de son frère et la deuxième femme de ce dernier, Kate.
La fragilité du présent
Evidemment, ça ne va pas très bien se passer, ils feront de mauvaises rencontres (les pires, comme toujours, sont humaines) et, dans ces lieux à la fois vidés et hantés où de la civilisation ne restent plus que des souvenirs et des vestiges, les drames ne manqueront pas. On retrouvera aussi une vieille connaissance en la personne de la jeune Clementine, la véritable héroïne du Walking Dead de Telltale. Celle-ci ne tarde pas à refaire surface et à rencontrer Javier mais n’est jouable que le temps de flashes-back assez âpres – c’est un euphémisme – qui la voient tenter de survivre en portant sur son dos un enfant en (très) bas âge. Même si les QTE ne présentent pas une difficulté extrême – euphémisme, encore – et si tout game over n’est ici qu’une interruption extrêmement provisoire de notre progression, on ne fait alors vraiment pas le fier.
Pas bien longs – compter moins d’1h30 pour voir la fin de chacun – sans que ce soit nécessairement un défaut, ces deux épisodes trouvent un bel équilibre entre la reprise de motifs classiques de la « franchise » The Walking Dead au sens large (la perte d’un être cher, la scission du groupe, la nécessité de pactiser avec un ennemi…) et le défrichement de nouvelles routes prometteuses pour la suite – et pas seulement à cause du cliffhanger final que, peut-être un peu naïf, on n’avait pas vu venir.
L’avenir n’est cependant pas vraiment ce qui nous préoccupe au cours des moments passés avec Javier, Clementine et les autres car ce début de saison excelle d’abord par sa manière de faire ressentir la fragilité du présent et tout ce qu’il peut y avoir d’à la fois beau, triste et effrayant dans l’ici et maintenant. « Walkman » ou « barre chocolatée » y sont des mots de passe crève-cœur et la preuve que les développeurs ont bien compris que, même dans le drame bigger than life, ce sont les (petits) détails qui importent le plus. On n’en attend l’épisode 3 qu’avec davantage impatience – plus que le retour de la série télé, probablement.
The Walking Dead : A New Frontier (Telltale Games), sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One, PC, iOS et Android, de 5 à 6,50 € par épisode, de 15 à 30 € pour la saison complète (5 épisodes).
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