Attendre sous terre le réveil de notre roi prévu pour dans 400 jours, tel est le programme de The Longing qui a l’étonnante particularité de se dérouler en temps réel. Et aussi : la superbe version Switch du diptyque Metro 2033 / Metro : Last Light, le retour de Warriors Orochi 4 en mode Ultimate, et le nouveau king du jeu d’objets cachés, Hidden Through Time.
400 jours. Tel est le temps que le héros de The Longing est condamné à passer sous terre en attendant que son roi – jadis tout-puissant, aujourd’hui au bout du rouleau – se réveille d’un sommeil censé lui rendre ses pouvoirs. Le héros, d’ailleurs, n’en est pas vraiment un. Il est le dernier serviteur à croire encore en ce roi déchu et il est pour nous “l’ombre”. La nôtre, peut-être, pour les 400 jours à venir.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Animal Crossing n’est pas le seul jeu à se dérouler en temps réel et dont les personnages donnent l’illusion de continuer à vivre entre deux parties. The Longing aussi, si ce n’est que notre sombre alter ego ne prend pas vraiment d’initiative en notre absence. Cela dit, si on l’installe dans le fauteuil rouge qui, au début de l’aventure, est son principal lieu de confort et qu’on lui fait saisir l’un des ouvrages de sa bibliothèque (qui se remplira au fil de notre exploration du réseau de salles souterraines qui l’entoure et des trouvailles que l’on y fait), il ne cessera pas de lire une fois l’ordinateur éteint. Un mercredi soir, on lui a par exemple fait commencer Moby Dick à 23h48. Lorsqu’on a relancé le jeu le jeudi matin à 9h32, il en était arrivé à la page 242. “Comme le temps passe ! Je devrais lire plus souvent”, s’est exclamée l’ombre quand on lui a fait poser son roman. Depuis, on ne quitte plus The Longing sans lui mettre un livre entre les mains.
Carthographie
400 jours, disait-on. Le coup de génie d’Anselm Pyta et de ses complices du studio allemand Seufz, qui ressemble aussi à un coup de folie, c’est que cette durée est aussi celle qu’il nous faudra pour “terminer” The Longing, dont l’intrigue s’inspire d’une légende germanique. Qu’on y joue ou pas, d’ailleurs : au terme desdits 400 jours, le roi s’éveillera et, nous assure-t-on, de ce qu’on aura fait de ce temps dépendra la fin de l’histoire. A condition de se montrer astucieu·ses·x, les plus pressé·es ont, certes, la possibilité d’accélérer un peu le temps. Par exemple en bouquinant, puisque chaque page lue fait “gagner” une minute à l’ombre. Mais, quoi qu’il en soit, on restera toujours prisonnier·ère du compte à rebours qui s’affiche en haut de l’écran et commence à 400.
L’amateur·e de jeux vidéo a ses habitudes. Très vite, il·elle a envie de découvrir l’univers de The Longing et, donc, quitte son austère refuge pour commencer son exploration. Deux salles plus tard, une porte dont on devra attendre patiemment qu’elle daigne s’ouvrir. Ensuite on choisit de continuer en face, puis de prendre la deuxième sortie en partant de la gauche, puis d’aller deux fois tout droit, ensuite à droite… et puis on a un doute. Et si on ne retrouvait jamais notre chemin ? Et si on passait les 400 prochains jours à errer lamentablement dans ces couloirs et ces grottes ? Alors on revient prudemment en arrière et, après une ou deux petites erreurs, on retrouve notre fauteuil, nos livres et notre table à dessins (où l’on créera successivement une araignée noire, une lune blanche ou une couronne rouge pour décorer nos murs). Et on recommence mais, cette fois, armé d’un crayon et d’une feuille : on va faire nous-même ce plan que, contrairement à beaucoup d’autres jeux, The Longing ne nous offre pas – du moins pour ce que l’on en sait pour le moment. Alors, d’une manière qui rappellera aux joueur·ses les plus anciens jeux d’aventure des années 1980, l’objectif se déplace : on visite désormais ce réseau de salles avant tout pour le cartographier.
Lenteur
Si l’aventure qu’il propose ne manque pas d’objectifs (à découvrir dans le recueil de “Pensées” de l’ombre : trouver une pioche, construire un lit, agrandir notre demeure, jouer de la musique, installer l’eau courante…), The Longing se distingue d’abord par son incroyable lenteur. Ici, rien ne presse jamais et, si un certain sentiment de claustrophobie peut parfois menacer, il y a aussi quelque chose de rassurant à pouvoir prendre ainsi son temps, renforcé par le fait que l’ombre, toujours, nous attend. Parfois, The Longing nous fixe même des rendez-vous pour plus tard.
Ici, il nous informe que si l’on revient deux semaines après, la mousse qui pousse en bas du promontoire sur lequel on est juché devrait s’être suffisamment développée pour amortir notre atterrissage en cas de saut. Repasser le 27 mars, note-t-on alors avec application. Avant de repartir prendre un autre embranchement. L’impression que laisse le jeu est assez paradoxale et changeante, peut-être d’ailleurs surtout en fonction de notre état d’esprit à nous. Entre l’angoisse et le réconfort, de quel côté la balance va-t-elle pencher lorsque, par exemple, on réalise pour la première fois que le hall lumineux, découvert au bout d’un enchaînement assez complexe de galeries, et dans lequel on déniche tout un tas de choses précieuses (des feuilles de papier, du charbon…), n’a en réalité pas de fin. On continue quand même, alors ? Mais, au retour, il faudra vraiment remarcher aussi longtemps ?
Tamagotchi dépressif
The Longing est un jeu que l’on peut pratiquer de plusieurs façons. En s’y plongeant avec notre plan fait maison à portée de main, donc, mais aussi en gardant simplement une petite fenêtre ouverte dans un coin de notre écran d’ordinateur. De temps en temps – comme à un Tamagotchi un peu dépressif ou, à nouveau pour les gamer·euses vétérans, à l’habitant de la simulation de vie pionnière Little Computer People (1985) –, on jette un œil à notre ombre pour vérifier qu’elle est toujours là. Tiens, elle s’est assise. Ah, maintenant, elle dort.
On ignore ce qui se passera vraiment au bout de 400 jours. Le roi se réveillera-t-il en ayant retrouvé ses pouvoirs quasi divins et illuminera-t-il son unique serviteur de sa gloire ? Avoir dévoré Les Métamorphoses d’Ovide, les Fables d’Esope, Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche et sans doute beaucoup d’autres livres découverts d’ici là, aura-t-il changé la vision du monde de l’ombre ? D’ailleurs, continuera-t-on à rendre visite à cette dernière tous les jours sans exception ou se lassera-t-on de sa triste existence confinée ? On serait bien en peine de répondre. Mais une chose est sûre : le dernier jour, on sera bien là.
The Longing (Studio Seufz), sur Mac, Windows et Linux, environ 15€
Et aussi :
Metro Redux
Sur Switch, 4A Games / Deep Silver, environ 40€
Vie souterraine encore, au moins une partie du temps, avec Metro Redux, qui rassemble deux jeux majeurs des années 2010 magistralement adaptés pour la Switch : Metro 2033, adaptation du roman postapocalyptique de Dmitri Gloukhovski, et sa suite Metro : Last Light. La grande force de ces FPS (first person shooter) qui nous lâchent dans un Moscou d’après-guerre nucléaire, c’est leur atmosphère : noire, suintante, effrayante. Pratiqué en mode portable sur la Switch, le diptyque profite par ailleurs de contrôles à base de détection de mouvement (pour viser ou admirer à volonté son monde dévasté) qui le rendent encore plus fort.
Warriors Orochi 4 Ultimate
Sur PS4, Xbox One, Switch et Windows, Omega Force / Koei Tecmo, environ 70€ (ou 40€ pour les possesseurs du Warriors Orochi 4 Original)
Un peu moins d’un an et demi après, le déjà fort complet Warriors Orochi 4 s’offre un second tour de piste avec sa version Ultimate d’une richesse affolante. Faisant se rencontrer les séries Dynasty Warriors (qui se déroule en Chine) et Samurai Warriors (basée au Japon), Warriors Orochi 4 en reprend fidèlement la formule commune reposant sur l’affrontement (par l’un ou l’autre de nos personnages) d’impressionnantes vagues de combattants, cette fois, au nombre de 177. Parmi les nouveaux venus les plus inattendus de ce cross-over qui mise sur la collision des mythologies : Jeanne d’Arc et le héros de Ninja Gaiden. Le résultat est à la fois primaire et subtil. On aime beaucoup.
Hidden Through Time
Sur PS4, Xbox One, Switch, iOS, Android, Mac et Windows, Crazy Monkey Studio, de 3 à 8€
Pas d’“ultimate” dans le titre cette fois, et pourtant Hidden Through Time ressemble à l’ultime jeu d’objets cachés (façon Où est Charlie ?, ou la double-page de la famille Kiskache pour les nobles lecteur·trices de Pomme d’Api). Parce qu’il prend la forme d’un joyeux voyage historique. Parce qu’il propose un astucieux système d’indices. Parce que ses images ne sont pas immuables mais interactives. Et parce qu’il permet de créer ses propres tableaux à objets cachés (et d’essayer ceux des autres). L’idée, au fond, est de réapprendre à regarder en entrant de biais dans ces images très animées. Sans oublier le plaisir de dénicher toute une collection d’aiguilles dans une bien belle meule de foin.
{"type":"Banniere-Basse"}