Le magazine référent pour la communauté LBGT+ est de retour dans les kiosques ce mercredi 21 novembre, après avoir été liquidé à plusieurs reprises. Grâce au soutien d’un collectif d’entrepreneurs et suite à une campagne de financement participatif réussie, la revue désormais trimestrielle renaît une nouvelle fois de ses cendres.
“Et alors ?” questionne le numéro 217 du magazine Têtu de retour en kiosque ce mercredi 21 novembre. Cette fois, pas d’hommes dénudés en couverture mais un couple qui se prennent dans les bras. Alors que le débat autour de la PMA s’enflamme et que les agressions homophobes sont en hausse en France, le magazine dédié à la communauté LGBT+ tient à mettre en avant la tendresse. Pour le nouveau directeur de la rédaction, Romain Burrel, ancien pigiste de Têtu (et des Inrocks), il était important de “faire une couv’ qui ait du sens” et d’interpeller les gens sur l’amour entre deux hommes, “qu’est ce qui vous dérange là dedans ?”.
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😍 Voici la couverture du nouveau TÊTU 😍 Votre magazine désormais trimestriel est à retrouver en kiosques et librairie dès le mercredi 21 novembre. #ETALORS? pic.twitter.com/sJD18XF9sC
— têtu· (@TETUmag) November 20, 2018
Après avoir disparu des rayons à deux reprises, en 2015 puis une nouvelle fois en fin 2017, grâce au soutien d’un collectif d’entrepreneurs, le magazine se relance une troisième fois et passe en trimestriel pour la première fois. Nouveau site internet, nouvelle équipe, nouvelle formule. “Nous avons annoncé que nous voulions relancer une version papier, ce qui n’est pas évident aujourd’hui” explique Romain Burrel.
Les exemples récents des échecs des magazines papier comme Ebdo ou Vraiment ne sont pas rassurants, mais pas de quoi effrayer le nouveau directeur de la rédaction. “Nous avons lancé une campagne Ulule en septembre afin de voir si les lecteurs nous suivent encore. On s’est dit qu’à partir de 1 000 abonnés c’est une bonne base pour travailler sur un lectorat fidèle. Nous en avons obtenu plus de 2 500. A ce moment là, nous nous sommes dit qu’il y avait encore de l’attente pour un média magazine”, se réjouit-il.
Pour donner sens à ce magazine comparé à l’immédiateté de l’information consommée sur le web, le chroniqueur de France Inter veut faire de la revue “un objet rare, avec des contenus plus longs”. On retrouve à l’intérieur des enquêtes qui font entre huit et dix pages qui permettent “d’avoir le temps de développer des idées et d’aller au fond des choses”.
Place aux témoignages et à la culture
L’une des grandes enquêtes de cette nouvelle formule repose sur les LGBT-phobies à l’école. “Nous avons donné la parole aux enfants qui ont subi du harcèlement scolaire plutôt que de juste partager des statistiques. Il faut leur donner la parole pour comprendre, entendre ce qu’ils vivent et se rendre compte que rien n’est fait pour contrer ce phénomène”, indique Romain Burrel qui insiste sur le fait que l’école est le premier lieu de souffrance des LGBT. “Dans le cadre scolaire, rien n’est mis en place, les professeurs détournent le regard, il n’y a pas de cours sur l’éducation sexuelle, pas de sensibilisation sur ce qu’est l’homophobie ou très peu. Les jeunes LGBT sont deux à sept fois plus concernés par le taux suicide que leurs camarades hétérosexuels. C’était donc important pour nous de leur donner la parole et de la porter au ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer. Nous l’avons eu en interview et il n’est clairement pas à la hauteur, il ne connaît pas le dossier”, dénonce-t-il.
Comparé aux versions précédentes, celle-ci souhaite donner plus de place aux témoignages et rendre la parole aux personnes LGBT. Mais aussi offrir des pages culture plus riches qu’auparavant. “Cela était une grande demande de notre lectorat. Cet été, nous avons réalisé une étude avec 5 000 participants sur leurs attentes de Têtu, la culture était largement en tête. Dans cette rubrique aussi, les interviews sont longues et fouillées. Par exemple l’interview de Marina Foïs fait trois pages. Il y a une sélection culturelle sur les trois prochains mois avec des programmes de films, des présentations d’artistes qui sont soit LGBT ou alors des alliés”, dévoile le nouveau directeur de la rédaction.
A retrouver également dans ce numéro, une liste des trente LGBT qui font bouger la France. “Nous avons sélectionné trente parcours différents à suivre, des gens de province, des personnes du monde associatif, des personnalités connues ou celles qui devraient l’être. Ils existent beaucoup de gens dans notre communauté qui se démènent pour faire de jolies choses”, soutient-il.
Une presse primordiale
Si les médias généralistes traitent de plus en plus des questions LGBT+, il reste “primordial” d’avoir une presse dédiée à la communauté LGBT pour Romain Burrel. “Avec Têtu on peut aller plus en profondeur sur ces sujets. Nous créons également un espace où nous pouvons parler de nous, sans avoir peur d’être jugés, sans être caricaturés, sans avoir à se dire que potentiellement on écrit pour quelqu’un qui est hétérosexuel. Têtu est un ‘safe place’, un endroit où la parole est libre. Un média fait pour et par les personnes LGBT”, appuie-t-il et assure une nouvelle fois : “Un média LGBT n’est pas un caprice, c’est une nécessité.”
Créé en 1995, Têtu s’est créé au fur et à mesure des années une identité forte dans le paysage de la presse française. Romain Burrel porte donc sur ses épaules un solide héritage : “Tout le monde a une idée très précise de ce que doit être le magazine, pour certains il doit être très sérieux avec rien que des dossiers de fond, d’autres ne veulent que des choses légères, certains ne veulent voir des beaux mecs à poil, d’autres disent surtout pas. C’est très complexe”. Néanmoins, ce dernier n’a pas peur du changement ni de moderniser ce titre. Longtemps perçu comme le magazine référent des homosexuels masculins, la nouvelle équipe aux manettes tient à ouvrir plus largement le média et à devenir plus inclusif. “J’espère parler au maximum de personnes et pas seulement aux garçons. Nous allons également chercher des gens avec des physiques un peu différents, et pas seulement des hommes musclés comme ça été le cas pendant des années” affirme le directeur de la rédaction.
A la rencontre des lecteurs
A côté du magazine papier repensé, le site internet a été entièrement refondé et sera utilisé en complément de ce premier. “Le web est un outil de veille et de traitement de l’actualité au jour le jour. Nous voulons rendre ce média réactif, ce qu’il n’a pas toujours été et était même parfois un peu lent à la détente”, confie Romain Burrel. Des podcasts et des vidéos seront également au programme. En plus du web et du papier, la nouvelle équipe de Têtu souhaite développer des activités hors média.
“On veut proposer plus que simplement un magazine ou un site web. Aujourd’hui un média qui marche est un média qui offre plus que ça. Il faut sortir les journalistes des rédactions, les confronter au public” admet-il. Des “Têtu Talk” seront organisés au premier trimestre de l’année prochaine pour aller directement à la rencontre du public et débattre avec lui de sujets liés aux questions LGBT.
Avec ces différentes propositions, Têtu espère cette fois s’installer de manière pérenne. Romain Burrel part enthousiaste et plein d’envie dans ce projet : “En partant avec 2 500 abonnés dès le premier numéro, on commence déjà plus rassuré. L’idée est de recréer une discussion avec les gens, mais elle n’est pas évidente car elle a été interrompue plusieurs fois. Si ce n’a pas marché avant, ce n’est pas la faute du lecteur. D’ailleurs les dernières versions papier se sont vendues entre 17 et 12 000 exemplaires, ce qui est vraiment pas mal. Le lectorat est là, il faut bien s’adresser à lui”.
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