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Un scandale de plus pour le ténor barjo de la photo de mode Terry Richardson. L’évènement cette fois, c’est la photo de une du dernier numéro de Vogue Hommes International. L’image met en en scène la top modèle américaine Stephanie Seymour et le jeune mannequin brésilien Marlon Teixeira : ce dernier, les yeux clos et le visage inondé de plaisir, enserre de sa main gauche la gorge de sa partenaire. Elle, l’air résigné, regarde le photographe et semble se laisser faire. Ses mains sont invisibles, comme pour souligner son impuissance.
Plusieurs associations newyorkaises de défense des droits des femmes, Sanctuary for families, Safe horizon, Now NYC et Equality Now, réagissent aussitôt et écrivent une lettre au président et au directeur éditorial de Condé Nast – propriétaire de Vogue – pour exprimer leur « profonde opposition » :
« A New York, votre magazine apparaît dans de nombreux kiosques à journaux et a un large impact sur les jeunes hommes et femmes. Alors que cette une avait sans doute l’intention de choquer et d’attirer les lecteurs potentiels, ce qui est vraiment choquant c’est qu’elle glorifie la violence contre les femmes comme un acte d’amour », s’insurgent les associations, selon le blog JimRomenesko.com. « L’étranglement n’est pas un accessoire de mode, et certainement pas un argument de vente. »
« Un état de désinhibition totale »
Créateur de la tendance porno-chic, Terry Richardson est connu pour son style radical. Son blog, Terry Richardson’s Diary, donne un bon aperçu du travail souvent controversé du photographe : entre photo de mode branchée, clichés trash et portraits de famille et d’amis, Richardson s’est créé une vraie patte, un univers bien à lui. Très demandé depuis des années, « Oncle Terry », comme il aime se faire appeler, travaille avec les plus grandes marques – Gucci, Miu Miu, Jimmy Choo – et shoote nombre d’acteurs, rappeurs et musiciens. Leonardo DiCaprio, Daniel Day-Lewis, Faye Dunaway, Dennis Hopper, Chloë Sevigny, Sharon Stone, Jay-Z, 50 Cent, Pharrell Williams…Jared Leto et Lady Gaga – avec qui il signe une monographie en 2010 – font partie de ses plus proches amis.
Provoc’ et percutantes, les photos de Richardson se distinguent par leur lumière crue et les postures expressives, souvent décomplexées, des modèles. Pour Adrien Brunier, mannequin et grand amateur de photographie, Richardson essaie toujours de capturer « un moment pris sur le vif« . Même quand il s’agit de photos de mode, « ce n’est jamais posé, il essaie de capter une attitude. » Pour le jeune professionnel, il s’agit finalement moins de technique que de direction d’acteur : « Terry Richardson n’est pas un grand technicien. Mais c’est un très bon directeur. Il va amener ses sujets dans une espèce de ‘mood’, pour avoir une image un peu choc. » Adrien se souvient comme si c’était hier de sa rencontre avec le photographe, au Milk Studio à New York, lors du shooting de la campagne été 2009 de la marque Sandro :
« Terry Richardson est arrivé en retard… il était très à la cool, avec ses tatouages et son chien. Tu sens tout de suite qu’il y a une ambiance très cul. C’est difficile à décrire : ce sont des blagues, son assistant qui donne une petite fessée à la coiffeuse… Il met de la musique, de la hardtech. On a l’impression qu’il est sous speed, complètement en transe – mais il n’avait rien pris, je pense. C’est sa façon d’être. »
Richardson demande au mannequin et à sa partenaire, la top model belge Anouk Lepère, d’adopter des poses très suggestives, sa tête à lui à hauteur de son sexe à elle, ou l’inverse. « Ces photos n’ont pas été utilisées, mais c’est le genre de trucs qu’il te fait faire. Il t’amène dans un état de désinhibition totale. Et il te shoote complètement à l’arrache« , raconte Adrien. Le photographe tourne autour d’eux sans cesser de les flasher, tout en parlant et parfois sans même les regarder. « Il a réussi à me mettre dans un état assez fou, parce que je me suis mis à l’insulter et à me jeter contre les murs. Je criais ‘mother fucker !’ Ça m’énervait qu’il ne nous regarde pas. Et lui me disait : ‘Vas-y, jette-toi contre les murs !’ »
« Mais c’était très cool, conclut Adrien. Après coup, je me suis rendu compte qu’il l’avait fait exprès. C’est sa façon d’obtenir une photo intéressante. »
« Conduite sexuelle inappropriée »
Le shooting made in Terry n’est pas au goût de tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire. Accusé plusieurs fois de harcèlement sexuel, le photographe se traîne une réputation d’obsédé machiste. En 2010, trois mannequins l’accusent sur Internet de « conduite sexuelle inappropriée » – mais ne portent pas plainte. En mars dernier, un portrait du photographe paru dans le New York Times relance la polémique. Sur le blog Jezebel, l’ex-mannequin Jamie Peck s’indigne contre l’article qu’elle juge trop complaisant : « Pourquoi les médias continuent-ils de présenter Richardson comme s’il n’était pas complètement taré ? » Elle revient ensuite sur une rencontre malheureuse avec le photographe, qui l’aurait agressé lors d’un shooting en 2004, alors qu’elle avait 19 ans :
« Il s’est mis nu, et m’a persuadé de le masturber, (ou de pratiquer un acte sexuel, comme dirait le Times avec pudeur), alors que plusieurs adultes qui travaillent pour lui me regardaient, ont pris des photos, et m’ont tendu une serviette à la fin. »
La journaliste auteure du portrait omet certains détails de l’histoire et livre une version sensiblement différente : « Jamie Peck dit que Richardson l’a déshabillée […]. Il lui demanda de prendre des photos de lui nu. Dans une récente interview, Peck, qui a maintenant 26 ans, dit qu’elle était d’accord mais qu’elle ne se sentait pas bien, et qu’elle a ensuite regretté ce qu’elle a fait. »
Un « prédateur sexuel en série »
Terry Richardson a refusé de commenter les accusations de l’ex-mannequin, précisant au New York Times qu’il aimait prendre des photos… complètement nu. Mais uniquement pour travailler sur des projets personnels. « Je ne suis pas un nudiste », ajoute-t-il. Pour Jamie Peck, le photographe est un « prédateur sexuel en série » :
« Vu la situation de l’industrie de la mode, un mannequin n’a aucun recours si le photographe ne se comporte pas bien – si ce n’est de perdre son emploi, et risquer d’être réprimandée par son agence. Le comportement de Richardson est emblématique de ça, mais loin d’être unique. »
D’où la nécessité, pour Adrien Brunier, d’être doté d’une forte personnalité et d’un mental solide pour tenir tête au personnage. « Tu vas voir Terry Richardson, tu sais que ça va se passer comme ça. Tu dois être capable de tout. C’est à toi de poser les limites. Lui, il va te pousser à bout. »
Anne Royer
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