Une femme de 50 ans redécouvre le plaisir grâce à Internet. Une chronique de l’amour flottant par Anne Villacèque avec l’admirable Anne Consigny.
Sur le tableau noir de l’amphi où elle enseigne la philosophie, Paule (Anne Consigny) inscrit à la craie blanche la question du jour (d’une vie) : « Qu’est-ce que le réel ? » Cette énigme pour étudiants est aussi la sienne. Car cette femme de 50 ans se perd dans le vertige de l’amour, un vertige physique qui la rattache à un sentiment d’ivresse, né lui-même d’un désespoir : celui d’avoir été quittée soudainement par l’homme de sa vie. Pour compenser le vide, elle chasse les mecs sur internet.
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Compulsivement, l’héroïne couche avec des hommes, redécouvre le plaisir de la chair tout en s’accommodant des nuits sans lendemain. L’amour que Paule traque est celui d’un corps qui ne veut pas craquer, d’une peau qui veut rester douce, d’une voix qui cherche un écho à la sienne. A partir d’un scénario écrit avec Sophie Fillières (d’après un roman de Dominique Baqué), Anne Villacèque déploie un récit hanté par le mystère du désir féminin confronté, en milieu de vie, à l’âpreté du désir masculin.
Pas à pas, la cinéaste filme la dérive d’une femme sous l’influence de son désarroi sentimental. Sans jamais pour autant conclure à l’inanité de sa quête. E-Love flotte dans les eaux troubles des amours contrariées mais intenses, comme si une rencontre artificielle portait en elle la promesse d’une existence redoublée.
Au coeur de ce récit en forme de descente et d’élévation simultanées, Anne Consigny illumine le film de sa présence magnétique. Jamais elle n’avait déployé un registre aussi physique à l’écran : elle est un corps assoiffé et malade, doux et animal. Le film doit beaucoup à sa manière d’inscrire la réalité de son corps, fragile et battant, dans le vide de son époque. Le réel, c’est elle.
Jean-Marie Durand
E-Love téléfilm réalisé par Anne Villacèque, vendredi 10 juin, 20h40, Arte
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