Le projet européen MUSE conçoit un système capable d’analyser et de convertir un texte en images 3D animées. De quoi transformer nos images mentales en réalité virtuelle.
Les scientifiques ont toujours le goût des acronymes amusants, quitte à chercher les initiales au milieu des mots. Voici donc MUSE, pour Machine Understanding for Interactive Storytelling. Le système, selon ses concepteurs basés à Louvain, en Belgique, donne vie aux textes ! L’ordinateur lit un texte, le comprend, identifie les personnages, leur situation spatiale, les dialogues, et surtout interprète les interactions entre acteurs. Ensuite, comme un réalisateur transforme un scénario en film, MUSE construit, à partir de sa lecture, une transcription visuelle, une vidéo 3D, qui suit l’intrigue.
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La machine est à l’étude, une vidéo de démonstration existe déjà. Le texte source est un guide d’accueil pour hôpital. Basique. On y voit un type, dans un décor de jeux vidéo à l’ancienne, se rendre au guichet des admissions où l’attend “une infirmière sympathique qui connaît bien votre docteur”, comme l’indique la brochure lue par l’ordinateur. La caméra visite ensuite les blocs opératoires, survole les mines égarées et angoissées des patients dans la salle d’attente et nous montre une prise de sang. Rien de très palpitant, mais le principe fonctionne et se révèle assez bluffant.
Faire entrer sans le tuer le livre dans l’ère numérique ?
La coordinatrice, Marie-Francine Moens, vise un usage pédagogique : “L’utilisateur, explique-t-elle, pourrait faire partie de l’histoire. Par exemple, au lieu de lire ou d’étudier un texte historique plutôt rébarbatif, il pourrait devenir l’un des acteurs d’une scène de signature d’un traité par Napoléon.” Apprendre en s’amusant, quoi. N’est-ce pas là une bonne manière de faire entrer sans le tuer le livre dans l’ère numérique ? Qui résistera à l’envie de s’inviter dans Les Misérables pour aider Jean Valjean à soulever la charrette et libérer Fauchelevent ?
En mode lecture passive, on posera le livre sur une table de chevet spéciale et l’on s’endormira en regardant Le Comte de Monte-Cristo. Sans Depardieu. Mais c’est oublier le principe de la lecture. Elle génère, une image mentale dans le cerveau du lecteur – avec MUSE, ce sera la même pour tous, admettons –, mais ce que ne saura sans doute jamais faire le système, c’est lire entre les lignes, goûter le style, survoler la description, relire une phrase. Certains romans seront trop complexes, pas assez imagés, trop abstraits pour la bête machine.
On modifiera donc un peu l’écriture pour que le système digère mieux le langage du livre. On simplifiera les mots trop compliqués, on remplacera les phrases trop alambiquées. A ce rythme, les pages des livres seront bientôt noircies par des séries de 1 et de 0, illisibles par l’homme sans le secours de la technique, comme un bon vieux fichier informatique.
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