Accrochées sur l’architecture métallique du Centre Pompidou, les cabanes en bois de Tadashi Kawamata surprennent et donnent à repenser la ville.
Sur la façade, c’est comme un nid de coucous ou d’hirondelles accroché aux énormes pattes d’acier du Centre Pompidou. Plus haut, c’est un abri précaire suspendu dans les airs, une baraque de SDF campée sur les travées métalliques de l’usine Beaubourg.
Sur le côté du bâtiment, et à la hauteur du quatrième étage où se logent les chefs-d’oeuvre du musée national d’Art moderne, l’artiste a encore installé une simple cabane en bois, un jeu d’enfant comme on en construit dans les arbres. Ou comme celles que traverse le Baron perché, le héros “accro-branches” du conte à la fois juvénile et philosophique d’Italo Calvino.
Ainsi, et quand bien même Tadashi Kawamata, né en 1953 sur l’île de Hokkaido, vit depuis longtemps à Paris, on s’autorisera à regarder les six huttes qu’il a accrochées sur le Centre Pompidou comme des haïkus ouverts au sens, petites constructions en bois autant poétiques que politiques, formes brèves de l’habitat, apposées sur ce monstre d’architecture et de culture.
A l’intérieur, invité à animer l’atelier des enfants, Kawamata a conçu un espace tout en carton où il continue ses jeux de constructions et initie les petits aux joies du work in progress en leur faisant échafauder des huttes d’intérieur, des paysages de villes, des labyrinthes et des tours de Babel.
Utilisant les matières basses du bois, du carton, et d’autres fois encore des cageots avec lesquels il édifie de fragiles cathédrales, il perpétue la morale baudelairienne du “joujou”, d’autant plus propice au travail de l’imagination qu’il est pauvre en moyens.
“Je ne veux pas parler de ces petites filles qui jouent à la madame, précisait Baudelaire, se rendent des visites, se présentent leurs enfants imaginaires et parlent de leurs toilettes. Les pauvres petites imitent leurs mamans, elles préludent déjà à leur immortelle puérilité future, et aucune d’elles, à coup sûr, ne deviendra ma femme.”
Bref, c’est l’occasion de souligner le charmant génie de ce sculpteur d’architecture, qui travaille depuis plus de vingt ans à une oeuvre alliant le précaire et le monumental. S’il installe des baraques de bidonvilles à la lisière de Montréal, New York ou Tokyo au milieu des années 80, produisant alors une lecture critique de l’urbanisme moderne, s’il peut encore parasiter voire ruiner des architectures classiques par des amoncellements de chaises, de cageots ou par des échafaudages de bois, celui qui se définit comme un “oiseau migrateur” a également élevé un observatoire écologique sur l’estuaire de la Loire.
Plus récemment, il a offert à la ville de Bordeaux une longue passerelle en bois de pin reliant la place des Quinconces à la Garonne : un aménagement urbain alternatif et éphémère, mais qui risque bien de s’imposer durablement dans le paysage.
Et c’est ainsi que Kawamata perturbe, conteste, déstabilise ou arrange l’ordre dur et bétonné de nos villes modernes : sans agression, sans bruit, mais sur un mode au contraire doucement subversif.
Photo : Hervé Véronèse, Centre Pompidou, 2010
Kawamata Carton Workshop Jusqu’au 23 août au Centre Pompidou, Paris IVe
A voir aussi
L’Observatoire, à Lavau-sur-Loire, et la passerelle Evento, place des Quinconces, à Bordeaux /// www.centrepompidou.fr