Cyberdissident, Rami Nakhlé a fui la Syrie pour le Liban. De Beyrouth, où il se sait en danger, il lutte contre le pouvoir syrien en diffusant l’information.
Dans son appartement de Beyrouth, la télévision est allumée. Une présentatrice arabe fait le point sur la situation en Syrie. « Je ne regarde pas pour savoir ce qui se passe, c’est nous qui sommes à la source de l’info, explique Rami Nakhlé. Mais je veux écouter les analystes. »
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Son ordinateur émet des bips réguliers à mesure que les messages s’entassent dans sa boîte mail et sur son compte Skype. Comme quelques dizaines d’autres activistes, il est connecté nuit et jour à une salle de presse virtuelle. Là, ces jeunes échangent des informations, réfléchissent aux moyens d’actions.
« Chacun a un rôle à jouer, détaille Rami. Il y a ceux qui twittent en anglais ou en arabe, ceux qui postent les vidéos sur Facebook, ceux qui répondent aux journalistes. »
Avant de diffuser l’info, il faut la collecter. Pour ça aussi, le réseau fonctionne. « Nous venons tous de villes différentes. Partout où il y a des manifestations, nous avons quelqu’un sur le terrain. Et même si certains activistes sont obligés de se cacher, ils peuvent toujours appeler leurs amis. » A la différence de la Tunisie ou de l’Egypte, le pouvoir syrien a réussi à interdire l’accès du pays à la quasi-totalité des journalistes étrangers.
Les manifestations et la répression – au moins 200 personnes ont été tuées – se déroulent ici loin des regards.
« Nous faisons de notre mieux pour faire sortir les infos, assure Rami. Mais je crois que le reste du monde n’a pas pris la mesure de ce qui se passe chez nous. »
A 28 ans, cet ancien étudiant en sciences politiques fait partie de la première génération de cyberactivistes syriens : une poignée de personnes. Dès ses premières connections sur Facebook, il y a quatre ans, Rami crée le profil de Malath Aumran. Un pseudo qui lui permet d’échapper aux services de renseignement. Sous cette fausse identité, il multiplie les faits d’armes. Un site internet pour les jeunes. Un appel au boycott des opérateurs de téléphonie mobile pratiquant des tarifs excessifs. La diffusion d’un programme proxy permettant de contourner la censure.
Mais en 2010, l’étau se resserre. Rami est interrogé une quarantaine de fois, jusqu’à ce qu’il se voit interdit de quitter le territoire. Il estime son arrestation proche : en janvier, il entre illégalement au Liban, en payant 500 dollars des contrebandiers. Aujourd’hui, les « moukhabarat » (services secrets) savent que Rami est Malath. Ils savent aussi qu’il se cache à Beyrouth.
« J’ai été interviewé par des chaînes arabes, je pense que l’un de ceux qui m’a interrogé en Syrie a reconnu ma voix », explique Rami.
Au Liban, il ne se sent pas en sécurité. Il y a une dizaine de jours, les services de renseignements syriens ont menacé d’arrêter sa soeur à Souweida, au sud de Damas. Rami prend des précautions. Mais il assure ne pas avoir peur. « En Syrie, les gens descendent dans la rue au risque de se faire arrêter, tuer, torturer. Nous n’avons pas le choix, il faut agir. »
« Le régime va finir par tomber, poursuit-il. Ce n’est qu’une question de temps et de prix à payer. Les gens ont encore peur, mais ils sont de plus en plus en colère contre le gouvernement. Ce régime est prêt à tuer pour rester au pouvoir. Le mouvement grandit de jour en jour. »
Rami s’excuse pour le désordre. Depuis des semaines, il n’a pas beaucoup dormi. Son téléphone sonne, une chaîne allemande. Il dit avoir hâte de rentrer chez lui pour retrouver ses chats, Yaro et Yara.
Perrine Mouterde, à Beyrouth
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