La mort de deux journalistes occidentaux, dans la ville rebelle de Homs, témoigne une fois de plus de la volonté du régime de Bachar el-Assad de mettre fin à la couverture médiatique du soulèvement syrien.
La résolution 1738 du 23 décembre 2006 du Conseil de sécurité des Nations Unies oblige les Etats à assurer la sécurité des journalistes en cas de conflit. Ces derniers et les centres de presse étant neutres, ils ne peuvent en aucun cas être visés. Pour Reporter sans frontière (RSF):
« Le régime de Damas poursuit dans le sang sa politique de censure et de répression de l’information. Il a décidé de punir collectivement toute une population et de faire taire par les moyens les plus violents les journalistes témoins de ces exactions. »
Soazig Dollet, responsable Moyen-Orient pour RSF, ajoute à propos de la mort des deux journalistes ce mercredi:
« La localisation de cet endroit était connue, notamment par les snipers et l’armée régulière syrienne qui pilonne depuis près de 15 jours la ville de Homs. »
De son côté, Damas dément, par la voix de son ministre de l’Information, Adnane Mahmoud:
« Notre ministère n’est pas au courant de leur entrée ou de leur présence sur le territoire syrien. Nous avons demandé aux autorités compétentes à Homs de les rechercher. »
Il en a profité pour demander à tous les journalistes étrangers entrés de manière illégale dans le pays de se rendre au centre d’immigration le plus proche, afin de régulariser leur situation au regard des lois en vigueur. Mais pour relayer librement l’information, les journalistes n’ont d’autre choix que de travailler en se cachant, en raison des refus de visas officiels auxquels ils sont confrontés.
Assaut final imminent
Ces explications des officiels syriens sont un peu légères pour le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, qui a dénoncé l’attitude du gouvernement syrien, l’accusant d’être « responsable et comptable de la mort des journalistes », et exigé une réponse des autorités syriennes. Le ministère français des Affaires étrangères a d’ailleurs annoncé la convocation de l’ambassadrice de Syrie à Paris, « pour lui rappeler le caractère intolérable du comportement du gouvernement syrien ». Pour Nicolas Sarkozy:
« Cela montre combien la liberté d’informer est importante et combien le métier de journaliste peut être difficile et dangereux. »
Le président de République a changé: on se souvient de sa réaction en juin 2010, lorsque deux journalistes de France télévisions, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, avait été enlevés par les Talibans en Afghanistan (et libérés 18 mois plus tard).
« Ces journalistes étaient inconscients, ils ont agi en contradiction avec les consignes de sécurité » aurait déclaré le chef de l’Etat en Conseil des ministres, avant d’ajouter: «C’est insupportable de voir qu’on fait courir des risques à des militaires pour aller les chercher dans une zone dangereuse où ils avaient interdiction de se rendre. »
En visant les rares témoins de ses exactions, Bachar el-Assad souhaite dissimuler aux yeux du monde le massacre en cours à Homs. Une manœuvre contre-productive, car les projecteurs sont maintenant braqués sur la ville. La communauté internationale est sur les nerfs et les autorités syriennes surveillées dans leurs moindres gestes.
En réaction, l’Union européenne s’est déjà résolue à durcir ses sanctions envers la Syrie, et Washington a dénoncé la « brutalité éhontée » du régime de Bachar el-Assad. Même la Russie, qui soutient pourtant le gouvernement syrien, s’est dite « très préoccupée » par la mort des deux journalistes. Moscou « condamne fermement » ce drame, « dans la mesure où ce n’est pas la première fois que des correspondants étrangers sont tués en Syrie ».
Alors que l’assaut final de l’armée régulière sur Homs semble imminent, le CNS a appelé mercredi, pour la première fois, à une intervention étrangère. La communauté internationale va donc devoir assumer ses responsabilités, pour que ces sacrifices ne restent pas vains. En attendant, les corps de Marie Colvin et de Rémi Ochlik sont toujours sous les décombres.
Guillaume Huault-Dupuy